Éditorial du dimanche 14 décembre 2025
Ann Montreuil, éditorialiste
Devant le mystère de la crèche je ne peux que m’émerveiller du don de Dieu en ce petit enfant fait homme.
Fragile et Tout Puissant, démuni et Roi, descendu en ce monde pour nous ramener dans un ailleurs qu’il nous invite à construire depuis plus de 2000 ans avec des matériaux immatériels d’amour et d’espérance, ce Jésus nous interpelle au cœur de notre humanité.
Cet enfant a laissé grandir en lui une Parole de Vie pour ne faire qu’Un avec Elle.
Le texte évangélique de cette semaine pose une question au Christ: «Es-tu celui qui doit venir…?» Et la réponse parle de ce qu’il advient sur son passage, obéissant à un plan de Dieu déjà murmuré aux prophètes.*
J’avais le goût de nous poser cette même question: Suis-je celle ou celui qui doit venir… selon le plan de Dieu?
Le jeune cyber-apôtre, Carlo Acutis faisait remarquer que «tous les hommes naissent comme des originaux mais beaucoup meurent en photocopies».
Cela doit sonner une cloche…
Chacun est forgé par son bagage biologique, son environnement, ses expériences, son parcours de vie et est invité à mettre ses talents à profit pour le bien commun. Notre unicité constitue une ressource extraordinaire de complémentarité afin de pouvoir collaborer à bâtir quelque chose de plus grand que nous.
Bien des incitatifs nous amènent toutefois à nous conformer à un moule social. La mode, pour ne nommer que cela, promulgue que pour se sentir bien en société, il est utile de partager la même apparence, répondre aux même codes.
L’école est à plusieurs égards un lieu de normalisation avec des programmes et cursus très encadrés laissant peu de place à l’expression de la quête individuelle.
Les médias sociaux renforcent une pensée unifiée dans ses chambres d’écho, lieux d’enfermement intellectuel et germes de clivage. Cela va jusqu’à entretenir la peur de l’étrangeté, de l’étranger, de l’autre distinct. On accepte alors trop souvent de porter des œillères, ça rassure peut-être mais limite et éteint aussi.
Plus nous sommes pareils et sans parole, plus il est facile de nous gouverner, nous déresponsabiliser, nous manipuler, nous déshumaniser, nous déposséder ou endormir nos aspirations.
Et pourtant, nous sommes tous porteurs d’une couleur à exprimer et sommes appelés à la mettre en commun dans cette courte pointe qu’est l’humanité.
Jung parlait de l’individuation comme d’un cheminement vers l’unité intérieure visant l’accomplissement de l’être en rencontrant sa vraie nature, considérant qu’il s’agit là du travail d’une vie aux antipodes de l’individualisme ou de l’égocentrisme. Il concluait que l’individuation, c’est la vie en Dieu. Pour le dire autrement, c’est la tâche qui nous est impartie que celle de se déployer pour révéler le dessein de Dieu au fond de soi, pour la cohérence d’un Tout même s’il nous échappe.
Comme le Maréchal Pétain on peut bien se dire que «ce qui est difficile, ce n’est pas de faire son devoir; c’est plutôt de savoir quel est ce devoir».
L’Enfant de la crèche nous aidera à percevoir, à entendre ce vers quoi on est appelé, comment réaliser son identité d’enfant de Dieu, unique…
Prenons le temps de nous pencher vers Lui pour renaître à nous-même.
En Lui, la promesse d’un déploiement d’amour qui s’incarne et l’invitation à le suivre dans l’Espérance.
__________
*Mathieu 11, 2-5
