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DE L’ANGOISSE À L’ANGOISSE

À y regarder de près, il semble bien que l’on ait raison de dire que ce qui préoccupe chaque personne, c’est son histoire personnelle. Souvent, d’ailleurs, nous nous retrouvons devoir écouter, en long et en large, tous les menus détails d’événements banals, voire triviaux, qui ont occupé telle ou telle personne depuis la dernière fois que nous l’avons vue.

Or voici que d’un seul coup, la covid 19 nous tombe dessus avec comme conséquence ce détestable Confinement. Confinement qui signifie : restez chez vous, n’en sortez surtout pas, tenez-vous loin les uns des autres. D’abord, c’est l’étonnement général, nous ne savons pas ce que signifie concrètement un confinement. Puis voici que lentement, nous nous rendons compte que nous sommes désormais totalement privés des événements distrayants qui forment habituellement le fil de nos vies. De ces événements à géométrie variable qui nous fournissent tous les précieux détails que l’on peut raconter aux autres en guise de ce que nous appelons une conversation. Malaise dans la civilisation ! Malaise qui se vit comme une certaine appréhension diffuse. Les médias qui se régalent de l’affaire nous disent, avec moult détails, eux aussi, que ce malaise que nous éprouvons, et cette crainte, sont de l’angoisse. D’un seul coup, nous sommes devenus angoissés !

Mais l’affaire ne s’arrête pas là : être angoissés nous angoisse. Voilà, toutefois, ce qui, enfin, nous permet d’avoir plein de détails à raconter. Car cette angoisse d’être angoissés se transforme sournoisement en apitoiement qui lui, de par sa nature perverse, nous fournit une quantité plus qu’abondante de détails et de petites subtilités, plus qu’il n’en faut pour alimenter bien des conversations. Des conversations angoissées, bien entendu.

Or voilà que cet apitoiement, de par sa nature aussi, engendre le ressentiment, c’est-à-dire de la colère rentrée. Et parfois même, pas si rentrée ; elle déborde. Nous avons alors une collectivité bien mal partie. Ce qui est très angoissant, il faut le reconnaître. Mais c’est pas tout : notre désarroi d’être confinés, se transforme, maintenant, médias et spécialistes internationaux aidant, en problèmes de « santé mentale ». Impatiences envers les enfants, envers les préposés aux consommateurs, envers les autres condamnés comme nous à faire la queue chez Costco ; violences conjugales de toutes sortes, etc. Même les meurtres et autres attentats criminels sont tombés sans nuances dans le domaine de la santé mentale : angoisse oblige.

On le sait maintenant, les meurtres, s’ils sont bien médiatisés, engendrent de l’angoisse : chez les voisins, chez les collègues de travail, chez les enfants des écoles, chez leurs professeurs, bien sûr. Et chez les téléspectateurs. Qui arrivent au bureau, à l’usine, à la réunion, au conseil d’administration, la tête et le cœur bourrés d’angoisse…
On l’aura compris, la Covid-19 aura été une bien petite affaire à côté de l’oubli de vivre qu’elle aura entraîné et permis ; à côté du vide qui monte de toute part. Un vide existentiel qui va bien au-delà de la « santé mentale » et d’un « défi pour le cerveau ». Personnellement, j’en appelle au réveil de la conscience, grands dieux !

Monique Lortie
lortie.monique@gmail.com