Ce n’était pas mon tour d’écrire l’édito du Montmartre cette semaine. Mais il y a des moments où on doit s’y faire parce que notre collègue et collaboratrice a eu un imprévu.
Dans nos vies, un imprévu peut être un empêchement, une épreuve, un défi, une souffrance ou bien, une maladie. Disons que nous ne sommes pas à l’abri du malheur voire même, à l’abri du mal tout court. Assez souvent, nous nous croyons forts, puissants et majestueux, mais en fait et en réalité, nous sommes fragiles et vulnérables. Ce dernier côté, nous l’oublions assez souvent. Il ne s’agit pas de nier notre côté “éclatant” mais il ne s’agit pas non plus de reléguer aux oubliettes tout ce qui constitue l’énorme complexité de notre être. Vivre en humain, c’est vivre cette complexité difficile à accepter, difficile à apprivoiser.
En écrivant ces lignes, je pense à Jésus-Christ qui a vécu lui-même tout cela. Je pense plus particulièrement à son entrée glorieuse dans Jérusalem le Dimanche des Rameaux. Je pense à la dure épreuve de la souffrance et de la mort qu’il traversera dans les jours qui suivront. Ce dimanche, avec la célébration du Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur, nous entrons dans la Semaine Sainte pendant laquelle chacun et chacune sommes invités à faire mémoire de cette marche de Jésus.
Une question surgit tout à coup : pourquoi Jésus entre-t-il dans ce tourment de la Passion ?
Marcher vers la souffrance et la mort. Il ne s’agit de fuir ni l’une ni l’autre. Il ne s’agit pas non plus, il me semble, de trouver les explications pieuses ou scientifiquement rationnelles de la souffrance et de la mort. Sans doute, ne s’agit-il ni de bravoure, ni de témérité, ni de lâcheté face à ces réalités éprouvantes, dérangeantes, fatigantes et épuisantes. Pour ma part, je n’aime pas chercher le sens de la souffrance et de la mort, ni le refuser. Je n’en sais rien ! Je ne me fie pas trop aux explications rapides qui veulent à tout prix trouver une solution à cette grande énigme. Je comprends très bien l’homme ou la femme qui a peur de la souffrance et de la mort. = Et quand je dis “je comprends” il ne s’agit pas d’une réflexion intellectuelle ; il s’agit de la compassion et de la communion.
Quand je médite cette question, je pense très souvent à un passage de la Lettre aux Hébreux au chapitre 5 : “Pendant les jours de sa vie dans la chair, il (Jésus), offrit avec un grand cri et dans les larmes, les prières et les supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect.” (He 5, 7)
“Être sauvé de la mort” ! – qui ne souhaite pas cela ? La Lettre aux Hébreux nous dit bien que Jésus a été exaucé. C’est un constat très étrange précisément parce que nous savons que Jésus a été crucifié et qu’il est bel et bien mort sur la croix d’une mort ignoble considérée comme une malédiction par les Juifs et folie pour les païens.
Il me semble qu’il n’y ait qu’une une seule lecture possible pour saisir ce passage : “être délivré de la mort”, ce n’est pas échapper à la mort physique, mais précisément, en reconnaissant l’Amour de Dieu pour nous, c’est traverser la mort avec un grand respect pour nous-mêmes, pour Dieu et pour notre prochain. Peut-être, tout comme Jésus, avec un grand cri, dans les larmes, avec les prières et les supplications, mais avant tout, avec l’espérance dans cet Amour de Dieu qui nous fait vivre, et qui nous fait entrer dans la vie éternelle.
C’est aussi avec l’espérance que Dieu nous accompagne à tout instant de notre vie que nous sommes invités à entrer dans la Semaine Sainte avec Jésus. C’est avec la même attitude d’espérance que nous sommes invités à traverser notre vie chaque fois que l’épreuve, la souffrance, la maladie et la mort nous guettent.
Bonne Semaine Sainte à toutes et à tous !
Édouard Shatov
Paroles pour un temps de crise