6 mars 2022 1er dimanche de carême, année C – Luc 4, 1-13
Lectures de ce jour
« Qu’est-ce qui constitue la base, la fondation de toute vie humaine ? » Dans la perspective croyante, c’est la confiance que nous accordons à Dieu. En fait, c’est notre foi. Dans le quatrième chapitre de son Évangile, Luc nous fait méditer précisément sur notre foi en nous envoyant avec Jésus au désert.
À l’ombre du Très-Haut
Il est très intéressant de rapprocher ce passage d’évangile du psaume qui le précède dans la liturgie de ce dimanche : « Quand je me tiens sous l’abri du Très-Haut et repose à l’ombre du Puissant, je dis au Seigneur : Mon refuge, mon rempart, mon Dieu dont je suis sûr ». C’est très exactement l’attitude du Christ, au seuil de sa vie publique : il se tient tout simplement à l’ombre du Très-Haut. La tentation serait de quitter cet abri ou bien de douter qu’il soit sûr, ou encore de chercher d’autres abris, d’autres sécurités. Ces trois tentations ont été celles du peuple d’Israël tout au long de l’histoire biblique. Et quand le Tentateur (son vrai nom dans le texte grec est le « diviseur », le « diabolos ») s’adresse à Jésus, c’est bien sur ce terrain qu’il se tient. Par trois fois, le Tentateur essaie de distiller son poison : « Tu es grand, tu peux bien faire ton bonheur tout seul ! » Le Tentateur chuchote aussi que « peut-être ferais-tu mieux de m’adorer, moi, pour réaliser tous tes projets. Jette-toi en bas, Dieu sera bien obligé de t’aider ». Voilà la tentation ultime pour mettre Dieu à l’épreuve.
Confiance jusqu’au bout
Mais Jésus sait bien que Dieu seul peut combler toutes les faims de l’homme, et il a choisi de faire confiance jusqu’au bout, de « se tenir sous l’abri du Très-Haut », comme dit le psaume. En fait, Jésus nous fait comprendre ce que c’est que d’entretenir une relation d’amour avec quelqu’un. Reprenons une à une les trois sollicitations du Tentateur et les trois réponses de Jésus. La première tentation nous fait comprendre que notre vie comprend aussi des limites, des faims, des vides. Il faut les accepter et accepter aussi le fait que c’est l’Autre, Dieu et notre prochain, qui peut les combler. La deuxième tentation met en évidence l’inversion de la perspective entre les exigences du Tentateur et les dons gratuits de Dieu : le Tentateur dit : « Commence par te prosterner, puis je te donnerai… », (et entre parenthèses, il promet ce qui ne lui appartient pas). Dieu, au contraire, commence par donner, et seulement après, il dit : « N’oublie pas ce que je t’ai donné, alors fais-moi confiance pour la suite ». La troisième tentation nous met en garde d’exiger des preuves de présence et de protection de Dieu ou, peut-être même de notre prochain. Le Fils de Dieu sait, lui, qu’il est en permanence sous l’abri du Très-Haut quoi qu’il arrive.
La Parole qui sauve
Où Jésus puise-t-il la force de résister à celui qui veut le séparer de son Père ? Dans la parole de Dieu : la force de ce texte est dans cette construction étonnante. Le Tentateur s’adresse à Jésus par trois fois mais à aucun moment, Jésus n’entre en discussion avec lui. Les trois réponses de Jésus sont exclusivement des citations de l’Ecriture. En cela, il est bien l’héritier de son peuple : à lui s’applique merveilleusement la phrase du Deutéronome que Saint Paul a reprise dans la lettre aux Romains au chapitre dix : « La Parole est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur » (Dt 30, 14). Ses réponses sont toutes les trois extraites du livre du Deutéronome. Ce livre a été écrit justement pour que les fils d’Israël n’oublient jamais que Dieu est leur Père. C’est une manière de dire que Jésus refait pour lui-même l’expérience que son peuple a faite au désert. Et c’est aussi notre expérience à nous, de chaque personne baptisée. Nous devons nous rappeler que sans mérites de notre part, le salut nous est donné gratuitement par Dieu. Il nous faut simplement l’accueillir librement dans la foi.
« Si tu affirmes de ta bouche que Jésus est Seigneur, si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé. Celui qui croit du fond de son cœur devient juste, celui qui, de sa bouche, affirme sa foi parvient au salut ».
Édouard Shatov, assomptionniste
Ma chair à manger