22 novembre 2020 34e dimanche du temps ordinaire A – Mt 25, 31-46
Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’Univers
« Écoute-nous, pour que nos chants à toi dédiés, jaillis de la gloire d’un été, établissent enfin le royaume. » C’est par ces paroles de la poésie de François Cheng de l’Académie française, publiée dans son recueil « Enfin le royaume » que j’aimerais commencer notre méditation en ce 34eme dimanche du temps ordinaire alors que nous célébrons la fête du Christ, Roi de l’univers. Il est question du Royaume après tout, et quand on parle du Royaume, même s’il s’agit du Royaume de Dieu, c’est toujours un peu mystérieux.
Prêter attention !
Dans notre imaginaire, le royaume n’est pas toujours très poétique à la différence de celui de François Cheng, et si les rois et les reines demeurent romantiques et enchanteurs, c’est peut-être seulement dans nos souvenirs d’enfance et dans les contes des fées. En général quand on parle de la royauté, du royaume et des personnages royaux, nous nous représentons les figures de l’histoire plus ou moins récente, ou bien l’on voit dérouler devant nos yeux les images des films sur les reines et les rois. C’est là qu’il est extrêmement important d’éclairer notre compréhension de la figure royale dans la Bible. Dans la Bible le roi est au service de la Parole de Dieu, de la Parole qui donne la vie, et qui est la lumière qui brille dans les ténèbres pour éclairer la totalité de la vie humaine à travers la prise de décisions, ce qu’on appelle : gouverner notre vie. Pour cela le roi doit être imprégné, trempé dans, rempli de la Parole de Dieu pour que comme conséquence cette Parole l’éclaire de l’intérieur dans toutes circonstances. Ce roi ou cette reine c’est aussi chacun et chacune d’entre nous.
Écouter !
Pour vivre une telle transformation, le roi d’Israël devrait commencer par une chose toute simple et complexe à la fois : par recopier lui-même les rouleaux de l’Écriture Sainte. Comme nous le dit le livre de Deutéronome : « Quand le roi montera sur son trône royal, il écrira pour lui-même, sur un livre, une copie de cette Loi en présence des prêtres lévites. Elle restera auprès de lui. Il la lira tous les jours de sa vie, afin d’apprendre à craindre le Seigneur son Dieu en gardant, pour les mettre en pratique, toutes les paroles de cette Loi et tous ces décrets. Alors, son cœur ne s’élèvera pas au-dessus de ses frères, il ne déviera du commandement ni à droite ni à gauche. Ainsi, lui et ses fils régneront de longs jours en Israël » (Dt 17, 18-20). L’éveil du cœur royal – le cœur qui gouverne sa propre vie et aide les autres – passe à travers les étapes suivantes comme le livre du Deutéronome les indique : écrire, garder, lire et mettre en pratique la Parole. Et pour cela il faut se décentrer de soi-même pour être centré sur la Parole de Dieu, et sur l’amour de ceux et celles que Dieu aime et à qui Dieu parle.
Risquer sa vie !
Cette attention à Dieu et aux autres nous apparaît alors comme une réalité inséparable. C’est pour cela qu’il n’est pas très étonnant qu’en cette fête du Christ Roi nous écoutions la parabole sur la charité et l’attention à notre prochain. Il est évident que Jésus en racontant la parabole des boucs et des brebis raconte une parabole sur la charité et l’amour mutuel, mais c’est une parabole provocatrice, qui pose la question de notre vocation humaine. La provocation consiste dans le fait que : comment se fait-il que les êtres humains entièrement bons et charitables puissent s’en aller tranquillement dans la vie éternelle, dans le bonheur éternel, tandis que leurs frères et sœurs sont envoyés dans le châtiment éternel ? Parce que si on s’est occupé de la vie des autres toute notre vie, et si tout notre être est imprégné de l’attention à l’autre, comment peut-on oublier cela soudainement au moment le plus important de notre vie, au moment de notre rencontre avec Dieu lui-même ? Est-ce que Jésus ne nous provoque pas en nous rappelant avec cette parabole que si nous voulons être des êtres bons et aimants, nous devons risquer notre vie et intercéder pour les autres, intercéder même dans les situations impossibles, comme Abraham, comme Moïse, comme Jésus.
Comme l’écrit saint Paul dans sa lettre aux chrétiens du Rome : « Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. » Alors, d’une certaine manière Jésus nous demande : est-ce que nous risquerons notre vie pour notre prochain ? Non pas seulement pour celui qu’on aime, mais tout simplement parce que notre prochain est notre sœur ou notre frère en humanité ? Pour être les rois et les reines de notre propre vie oserons-nous, comme Jésus-Christ, avec Jésus-Christ, vivre la folie de la croix, la folie de l’Amour ?
Édouard Shatov
Quand on a Jésus comme berger