Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

De la consolation et de ce que nous n’en voulons pas

Billet éditorial, dim. 30.11.2025
Monique Lortie, MA phi (lortie.monique@gmail.com)

© TE Segletes, Consoling

L’Avent s’ouvre. Entendons-nous le mot “consolation” qui circule en creux, tel un baume promis aux cœurs blessés1? Mais sommes-nous prêts à être consolés? Étrangement – douloureusement – tout se passe comme si, bien souvent, nous ne voulions pas…

Il y a dans le deuil, dans la peine, dans le ressentiment parfois, une forme de fidélité. Refuser d’être consolé, c’est signifier que l’événement qui nous a meurtris compte encore. C’est faire de la blessure un lieu de mémoire vive. Comme si consentir à la consolation revenait à trahir à oublier trop vite, à tourner la page trop tôt. Et pourtant…

La consolation n’est pas l’effacement de la douleur, ni l’anesthésie de l’âme. Elle n’est pas non plus ce mot creux, ce «ça va aller» qu’on lance pour fuir l’embarras. Non, la consolation véritable est grave, lente, grave comme un psaume2. Elle ne nie rien. Elle assume tout. Elle passe, non par-dessus, mais à travers la souffrance. Elle est présence – parfois silencieuse – qui ne vient pas ôter la croix, mais permet peut-être de ne pas y être seul

Mais alors, pourquoi la refusons-nous? Peut-être parce qu’elle exige une sorte de pas dans l’inconnu: celui du consentement. Être consolé, c’est consentir à ne plus être entièrement défini par la blessure. C’est risquer à nouveau la douceur, la paix, voire – osons-le – la joie. Et cela demande du courage. Car il est plus facile, parfois, de se tenir du côté du manque, de la plainte, du «c’était mieux avant», que de risquer à nouveau l’espérance.

Le Christ est venu pour consoler ceux qui pleurent. Mais il ne s’impose pas. Il frappe à la porte… et attend qu’on ouvre. La consolation, comme la grâce, ne force personne. Elle se propose. Elle attend le moment…

L’Avent pourrait être ce temps: non pas celui où l’on exige une réponse à nos douleurs, mais celui où, peu à peu, on se rend disponible à une autre présence. À une Visitation.

L’Avent est ainsi le temps liturgique de l’attente. Mais une attente particulière. Tendue, aimante, et pourtant sans garantie visible. Or n’est-ce pas là ce que nous vivons, souvent, au creux même de notre douleur? Nous attendons… que justice se fasse, qu’un mot vienne, qu’un signe surgisse. Nous veillons sur nos blessures comme sur des œuvres d’art pleines d’histoires.

Ainsi, tant que rien n’a été «répondu», nous ne voulons pas être consolés. Car la peine, comme l’attente, nous attache à ce qui manque.

C’est cela le paradoxe de notre titre: nous croyons désirer la paix, mais nous tenons à l’âpreté du manque… parce qu’il témoigne de ce qui fut, ou de ce qui aurait dû être…

____________

1 Ésaïe 61,1-2, repris dans Luc 4,18-19, quand Jésus lit à la synagogue?

2 Le psalmiste ne fait pas l’économie de la condition humaine.