25 oct0bre 2020 30e dimanche du temps ordinaire A – Mt 22, 34-40
L’Écriture nous le redit, et Jésus lui-même le confirme : le 1er commandement demeure l’amour de Dieu. Jésus en ajoute un deuxième, l’amour du prochain, en précisant qu’il «est semblable » au premier.
Mais comment répondre à ces commandements dans les conditions actuelles ? Peut-on vivre l’amour de Dieu quand l’épreuve nous déstabilise ? Quand Dieu paraît si absent ? Peut-on vivre l’amour du prochain quand les lois nous enferment chacun chez soi ? Quand la visite des êtres que nous aimons est interdite ? Où était l’amour lorsque certains de nos proches nous ont quittés sans que nous ayons pu être à leur côté lors du grand passage ? En nous privant de funérailles dignes de ce nom ? Où était Dieu ?
L’amour de Dieu
Le 1er commandement, celui de l’amour de Dieu est très exigeant. Il exige l’engagement de toute notre personne : « Aimer de tout son cœur, (ie avec ce qu’il y a de plus profond en soi), de toute son âme (ie avec toutes ses forces et son énergie) et de tout son Esprit (ie en y consacrant toute notre intelligence) ». Dieu désire la réponse de tout ce que nous sommes. Rien de moins. Il nous veut tout entiers.
L’exigence paraît excessive pour ne pas dire irréaliste. Elle semble compromettre notre précieuse liberté. L’amour vrai ne craint pas les excès. Ce commandement n’aurait aucun sens s’il ne provenait d’un Dieu qui est amour et qui nous comble de ses dons et nous invite à partager sa vie.
« En ceci consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est Dieu qui nous a aimés. » 1Jn 4,10
L’amour que Dieu nous porte précède l’appel à l’aimer en retour. Ce « commandement » ou, pour mieux le dire, cette parole nous invite à prendre la route qui nous rendra pleinement heureux. Jésus utilise le même langage avec ses disciples : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis. » Jn 15,16
Nous traversons une période où, du moins pour certains, Dieu paraît absent, bien loin de nos préoccupations. Un temps où nous pourrions douter de son amour pour nous et pour ceux et celles qui nous entourent. Pourtant, Dieu ne nous abandonne pas. Pouvons-nous reconnaître sa présence dans ces événements ?
Et si cette situation, comme d’autres épreuves qui ont jalonné notre existence, nous contraignait à un retour à l’essentiel ? Si cette situation nous poussait à retrouver ce qui est vraiment important dans notre relation à Dieu et dans nos rapports au prochain ?
Dieu est toujours là, même dans nos traversées de nuit. Celles-ci nous dépossèdent de nos appuis habituels et nous préparent à la rencontre où le Seigneur nous fera entrer dans son royaume. Ce temps demeure un temps de salut.
Privés de nos distractions habituelles, nous avons disposé de plus de temps pour réfléchir, prier et rétablir nos priorités. Une grâce.
L’amour du prochain
Le Covid-19 a bousculé nos habitudes et contrarié nos projets. La pandémie nous a rappelé la fragilité de nos santés et de nos vies et aussi les limites de nos organisations sociales et autres. Elle nous a plongés dans l’insécurité. Aujourd’hui encore, l’avenir demeure incertain et provoque bien des inquiétudes.
Par contre, le confinement a brusquement mis en évidence l’importance des liens qui nous unissent à notre entourage. Étrangement, le confinement a rapproché les générations. Combien de « fragiles » se sont vus entourés par leurs enfants, au point même de se sentir un peu handicapés ? Combien ont pris conscience de leur attachement à leurs aînés ?
De plus, le confinement en restreignant nos déplacements nous a permis de rejoindre ceux et celles que nous côtoyons par d’autres moyens. Nous avons pu poser des petits gestes d’attention qui brisaient la solitude écrasante de certaines personnes.
Si la pandémie nous a rapproché, mais autrement, des personnes qui nous sont chères, elle devrait nous sensibiliser à des situations qui malheureusement perdurent. Des événements récents ont fait ressortir la question délicate du racisme ailleurs et même chez nous. La 1ère lecture évoquait des situations semblables. Dieu éveillait la mémoire du peuple d’Israël : « Tu n’exploiteras pas l’immigré, tu ne l’opprimeras pas, car vous étiez vous-mêmes des immigrés au pays d’Égypte. »
Cela nous concerne également. Les Québécois que nous sommes ne devraient pas oublier qu’il fut un temps où nos pères se voyaient comme ceux qui sont «nés pour un petit pain ». Ils ont souffert et nous souffrons parfois encore de préjugés semblables. Tout près de nous cohabitent des groupes objets eux aussi de préjugés, peut-être même de notre part. Le cas Joyce Échaquan, cette jeune femme autochtone morte à l’hôpital de Joliette, nous redit que notre société a encore un urgent besoin d’artisans de paix et de justice.
En répondant à la question du docteur de la Loi sur le plus grand commandement, Jésus innove en affirmant que le second commandement est « semblable » ou comparable au 1er. On pourrait dire « inséparable » du 1er. C’est ce qui permettra à St Jean d’écrire : « Si quelqu’un dit : “j’aime Dieu” et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas! » 1Jn 4,20
Jésus va encore plus loin en ajoutant : « Tout ce qu’il y a dans l’Écriture, – dans la Loi et les Prophètes, – dépend de ces deux commandements. »
Rechercher quel est le plus grand commandement ne consiste pas seulement à bien établir la liste et l’ordre de ses obligations. Savoir que toute la Loi dépend de ces deux commandements donne un sens à tout ce que l’on fait. Saint Paul l’exprime clairement dans la lettre aux Corinthiens : « J’aurais beau être prophète, … avoir une foi à transporter les montagnes,…, distribuer toute ma fortune aux affamés, s’il me manque l’amour, cela ne sert à rien. » 1Co 13, 1-3
L’amour donne sens à tout à tout ce que nous pouvons faire. Jésus ouvre donc à une compréhension nouvelle de la Loi. Toute norme ou loi n’a de sens que si elle aide à exprimer notre amour pour Dieu ou renforce notre charité envers le prochain. Voilà un principe à ne jamais oublier. Cela vaut pour la hiérarchie de l’Église qui établit les normes. Cela vaut aussi pour ceux qui s’efforcent d’obéir à l’enseignement de l’Église. Ils doivent comprendre le sens de toute législation ou exigence, et cela demande parfois un effort.
Conclusion
Aujourd’hui, rendons grâce pour toutes les marques d’attention reçues et données. Sachons comme nous y invite Paul, « accueillir la parole au milieu de bien des épreuves, avec la joie de l’Esprit Saint. »
Marcel Poirier, a.a.
Une grande densité spirituelle