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La gratuité, ça rapporte en humanité

Éditorial du dimanche 20 avril 2025
Ann Montreuil, éditorialiste

Image générée par AI: Plantes, Sol. Utilisation gratuite

En ces temps où on se fait marteler de nouvelles économiques, de menaces de tarifs avec tous les chamboulements et incohérences associés, je vous propose le thème de la gratuité tel un oasis où il fait bon se poser.

La gratuité fait référence à ce qui est donné ou fait sans contrepartie pécuniaire ou encore caractérisé par ce qui est injustifié ou désintéressé. En fait, le produit ou service gratuit n’est pas forcément débarrassé du coût mais du prix, ce qui peut contribuer à sa noblesse.

Certes, je vous convie à aller en dehors des sentiers du markéting où, bien souvent, la gratuité est un leurre pour attirer l’attention du consommateur, lui donner l’impression de faire une bonne affaire avant de se faire hameçonner dans un deuxième temps.

Je veux sortir aussi du concept complexe de gratuité au sein de nos organisations gouvernementales (santé, éducation…) qui implique des choix de société fondés sur l’équité et la solidarité.

C’est le geste individuel pouvant être posé par tous et chacun qui m’interpelle, cet élan qui n’attend rien. Je le perçois comme source d’eau vive qu’il ne faut pas retenir, qui irriguera ce qui a besoin de l’être par simple consentement, par confiance.

La gratuité implique de ne pas calculer, ne pas chercher à contrôler, devenir libre et distant par rapport au résultat, se détacher de son égo, être simplement disponible au Souffle.

À travers le bénévolat, plusieurs offrent de leur temps et talents au profit d’autrui. Ils sortent de la logique de l’échange marchand (donner pour avoir) ou de l’action publique (donner par devoir) pour obéir à l’expression d’une fraternité.

Je n’exclus pas que la gratuité puisse s’accueillir aussi à travers un service rémunéré lorsque la préposée au bénéficiaire, le marchand, la coiffeuse, l’avocat, le libraire… ajoutent cette touche personnelle d’attention, de présence à l’autre qui ne se quantifie pas, qui n’est pas stipulée dans son contrat. Il y a offre, don de soi, de sa sensibilité, main ou âme tendue.

Que dire de ces tricoteuses qui façonnent bonnets et bas pour garder au chaud des gens qu’elles ne verront jamais.

Que dire de ces gens qui trient dans les entrepôts trop froids ou trop chauds en vue de la distribution des biens pour ceux qui en sont dépourvus.

Que dire de la puissance du sourire offert, du simple bonjour échangé en croisant nos chemins, du siège cédé dans le bus bondé, de la musique du troubadour.

Que dire de la dédicace appuyé d’un regard, du bras offert pour descendre l’escalier, de l’appel ou de la visite inattendue pour signifier qu’on compte dans le cœur de l’autre.

Que dire de ceux qui se lèvent avec leur pancarte pour réclamer justice pour les affligés ou pour s’élever contre les attaques faites à notre planète.

Que dire de ceux qui prient dans le silence de leur chambre en rejoignant ainsi l’esseulé dans sa peine et son désarroi.

La gratuité est accessible à tous, prend les couleurs de chacun. Le mode d’emploi est simple: Faire à l’autre ce qu’on apprécie soi-même. Si tu aimes les fleurs, offre-en; si tu as le bec sucré, ouvre et tend ta boîte de chocolat; si tu as la voix d’un rossignol, partage-la; si la joie t’habite, ne l’enferme pas.

C’est une façon d’oser prendre sa place, celle qui nous est attribuée et y être accueil pour l’autre qui nous croise, se sentir disponible à se faire transporter par l’instant.

Le coût est nul pour celui qui reçoit mais le prix est parfois inestimable dans la mesure où la pleine liberté de celui à qui on offre est respectée. Citons Paul Valery: «L’homme sait assez souvent ce qu’il fait mais il ne sait jamais ce que fait ce qu’il fait». Il y a donc une part de confiance et de spontanéité nécessaire de même qu’un appel à être outil de plus grand que nous.

Cela ne veut pas dire qu’il ne nous en coûte pas de donner un peu de soi. Bien que par définition la gratuité implique qu’il n’y a pas d’attente d’un quelconque retour, bien souvent une réciprocité est obtenue. La valeur créée est non pas valeur d’échange mais de liens.

Comme le disait Louis Pauwels «Le progrès n’est pas de renforcer les parenthèses mais de multiplier les traits d’union.»

En ce temps pascal, moment du Don Ultime consenti par Amour au-delà de tout entendement, embrassons cette invitation à donner à notre tour un peu de soi, de notre vie, avec et par Lui.