Il y a des mots que l’on prononce peu, comme s’ils portaient en eux un secret ancien. Consolation est de ceux-là. Peut-être parce qu’il suppose d’abord la douleur, la perte, le ce qui manque à notre cœur. Mais il est aussi, et surtout, une lumière douce dans le clair-obscur de l’existence.
À l’heure de la retraite, le rythme ralentit, le tumulte s’éloigne, et le silence reprend ses droits. Ce silence, parfois redouté, fait remonter les souvenirs, certains joyeux, d’autres plus lourds.
On pense à ceux qui sont partis, aux rêves inachevés, aux mots que l’on n’a pas dits. Il n’est pas rare, dans ces moments, de chercher un apaisement, un baume pour l’âme.
La consolation ne se confond pas avec l’oubli. Elle n’efface pas, elle transforme. Elle n’annule pas la souffrance, elle l’habite autrement.
Les Anciens, depuis le vieil Homère, les philosophes stoïciens comme aussi les chrétiens, ont beaucoup médité sur cet art discret: comment apprendre à vivre avec la fragilité, comment accueillir les larmes, le deuil, la maladie sans s’y noyer…
Il faut le dire: la consolation est un acte de résistance douce contre l’absurde. Elle ne crie pas, elle ne s’impose pas. Elle passe souvent par la présence d’un regard, d’un silence habité, d’une main posée sans mot. Ou encore par une parole intérieure, ancienne, biblique ou poétique, qui touche là où le cœur vacille.
Saint Paul écrivait: «Consolez-vous les uns les autres1». Il ne disait pas: «Résolvez tout, guérissez tout», mais simplement: soyez là, l’un pour l’autre. Il y a, dans cette injonction humble, une sagesse que notre époque oublie parfois, trop pressée de proposer des solutions techniques à ce qui relève du mystère humain.
Philosophiquement, consoler, c’est reconnaître en l’autre une peine digne d’être partagée. C’est refuser de détourner les yeux. Religieusement, c’est aussi croire que toute douleur, même la plus muette, est connue de Dieu, et qu’aucune larme ne tombe dans l’oubli.
Nous-mêmes, nous avons peut-être plus à offrir que nous le croyons: non pas des réponses, mais une présence. Une oreille attentive. Une mémoire des choses vraies. Car la consolation est aussi transmission: d’une parole juste, d’une foi tranquille, d’une espérance simple.
Consoler et être consolé, c’est encore vivre. Et parfois, vivre mieux.
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S’il fallait ajouter une nuance, ce serait ceci: La consolation ne vient pas toujours quand on l’appelle; elle répond souvent à une disponibilité intérieure. Elle demande qu’on laisse une place, même modeste, à la vulnérabilité – la nôtre comme celle de l’autre.
Dans un monde «moderne» où tout va vite, où la douleur embarrasse et où la solitude et le silence font peur, cette disposition d’âme est presque une forme de sagesse. Cette sagesse qui devient un don précieux pour soi-même et à offrir autour de soi…
Et vous, qu’en pensez-vous?
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1 1 Thessaloniciens 5,11

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