Que sont mes amis devenus,
Que j’avais de si près tenus,
Et tant aimés?
Ils ont été trop clairsemés,
Je crois, le vent les a ôtés,
L’amour est morte.
Ce sont amis que vent emporte,
Et il ventait devant ma porte;
Sont emportés.
(Rutebeuf, XIIIe siècle)
Ces mots glissent en nous comme un soupir ancien. Ne disent-ils pas quelque chose de la vie quand celle-ci se fait tardive, et que les visages connus, les voix aimées, les certitudes, même, se dispersent comme sable au vent…
C’est peut-être cela, le désert.
Non pas un lieu lointain, brûlant, sec et jaune, mais un état intérieur: une époque de vie où l’on devient l’ami de la solitude, où l’on apprend à marcher sans être suivi, à parler sans toujours être entendu, à aimer sans être attendu.
Dans ce désert, pourtant, la Bible ne se tait pas. Elle n’impose rien. Elle n’assène pas. Elle révèle, éclaire, provoque doucement. Elle parle du désir d’être, de la finitude, de la parole juste, de cette promesse fragile qu’on nomme encore «espérance».
Jean, le Baptiste, y marche. Il n’annonce pas un avenir comme on annonce la météo. Il ne prédit pas. Il prépare. Il ouvre. Il crie dans le vide une parole que seuls les cœurs assoiffés et bienveillants peuvent entendre.
Peut-être est-ce cela, aujourd’hui, être prophète: Non pas parler fort, mais parler juste. Non pas convaincre, mais être présence dans le silence des autres. Non pas sauver, mais rester là, à la porte du désert, disponible à l’invisible…
Peut-être, encore, n’y a-t-il plus de foule pour écouter. Peut-être même vivons-nous, comme notre Rutebeuf, devant une porte que le vent balaie. Mais ce qui tient encore malgré tout, dans le sable et dans le vent, c’est l’Espérance. Et peut-être, qu’en secret, c’est elle qui nous tient…

L’ÉCOUTE ET LA LOYAUTÉ ENVERS DIEU COMME GAGE DE NOTRE SALUT