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TEMPUS FUGIT

Image libérée de droits d’auteur sous Creative Commons CC0 || https://pxhere.com/fr/photo/814672

ÉDITORIAL, dimanche 9.01.2022
Monique Lortie, M.A. phi

« Le temps nous glisse entre les doigts, le temps qui fuit, le temps qui coule… »

Au moment où une année nouvelle déboule, brusquement, dirais-je, mes souhaits sembleront peut-être étonnants. Je ne me résous pas à reprendre, par l’habitude que nous avons tous, les vœux de Bonne et Heureuse année.

J’ai eu le sentiment, cette année, que dire « Bonne et Heureuse année », c’était oblitérer le message cosmique que nous pourrions voir apparaître si nous étions plus près de nos mots et de nos pensées…

Une année vient de sombrer dans le passé, l’irréversible passé. Et cela nous trouble à peine…

Dire « Bonne et Heureuse année », comme dirait Cyrano : « … c’est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire… ô Dieu, bien des choses, en somme ! En variant le ton… »

Eh bien, pour étoffer le début de l’année nouvelle, varions le ton, si vous voulez. Nous dirons alors :

comme le grand poète romain, Virgile : « Mais pendant que nous attendons, « tempus fugit », il fuit le temps : le temps fuit sans retour, tandis que nous errons, prisonniers de notre amour du détail…

« Pendant ce temps que nous remplissons de vétilles et de ragots, le temps s’échappe, irremplaçable…
« Imprudents que nous sommes à nous occuper à des activités de peu de substance noble ou n’ayant d’intérêt que léger et passager en ce seul moment précis. » …

Ou, comme Pierre de Ronsard : « Le temps s’en va, le temps s’en va, madame, – Las ! Le temps, non, mais nous nous en allons. » …

Et du même Pierre de Ronsard : « Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain, Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. »

Ou encore, comme le poète Lamartine : « Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours. Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours ! Éternité, néant, passé, sombres abîmes, que faites-vous des jours que vous engloutissez ? » …

Comme Guillaume Apollinaire : « Sous le pont Mirabeau coule la Seine. Et nos amours. Vienne la nuit sonne l’heure, les jours s’en vont, je demeure » …

Enfin, comme aussi le chanteur Charles Aznavour : « Le temps, le temps, le temps et rien d’autre. Le tien, le mien, celui qu’on veut nôtre » …

« Celui qu’on veut nôtre »… alors qu’il fuit sans cesse ! N’est-ce pas un phénomène bizarre que le Temps ?

C’est peut-être le philosophe, Sénèque, qui a le dernier mot, tout compte fait. Sénèque qui écrit :

« La plus grande partie de la vie passe à mal faire, une grande partie à ne rien faire, toute la vie à ne pas penser à ce que l’on fait… »

Pouvons-nous encore légèrement nous souhaiter une bonne et heureuse année, alors que, si on en croit nos sages poètes et nos anciens philosophes, le temps nous glisse entre les doigts, le temps qui fuit, le temps qui coule…

Une question alors demeure : Qu’est-ce donc que le temps, quelle est sa nature… si tant est qu’il en ait une, lui qui est toujours autre, toujours autre… ?

À cette question embêtante – on la dit « philosophique » donc embêtante ! – c’est saint Augustin qui répond le mieux :

« Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. Et pourtant j’affirme hardiment, que si rien ne passait, il n’y aurait point de temps passé ; que si rien n’advenait, il n’y aurait point de temps à venir, et que si rien n’était, il n’y aurait point de temps présent…

« Or, ces deux temps, le passé et l’avenir, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore ? Pour le présent, s’il était toujours présent sans voler au passé, il ne serait plus temps ; il serait l’éternité…

« Si donc le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé, comment pouvons-nous dire qu’une chose soit, qui ne peut être qu’à la condition de n’être plus ? Et peut-on dire, en vérité, que le temps soit, sinon parce qu’il tend à n’être pas ? » … (lire la suite in Saint Augustin, Les Confessions, Livre XI)

Voici alors, chers amis lecteurs, mes vœux les plus sincères pour l’année qui commence : « Que vous trouviez le Bonheur en toute chose et en tout temps ; que vous soyez Heureux ! » …

Sachez, par ailleurs, que c’est à ces importantes discussions, importantes pour les humains que nous sommes, que nous passons nos rencontres-philo hebdomadaires… pour notre plus grand bonheur ! …

Joignez-vous à nous… pour votre plus grand bonheur ! Une bonne façon d’employer « votre temps » en ces années d’incertitude et d’isolement…