À l’occasion d’un 5 à 7 organisé par le Montmartre, une bonne nouvelle est sortie, hier soir, de la bouche de nos trois personnalités qui présentaient, chacune à sa façon, chacune selon son champ d’études, la notion de « mémoire ». J’ai envie d’en parler ici.
Sous le thème « Qu’est-ce que la mémoire, d’abord », nos savants nous ont fait faire le tour du propriétaire de l’humain, un être temporel qui est doté d’un cerveau et d’une mémoire qui flanche parfois.
Une belle image a été proposée afin de nous représenter notre cerveau – au fond, qui a déjà vu son cerveau ? J’ai frémi, je dois le dire, quand la « conférence » s’est, d’entrée de jeu, installée dans le cerveau ; mais bien sûr, n’est-ce pas notre cerveau qui enregistre les impressions dont on est sans cesse bombardés depuis notre naissance ? et qui parfois en élague et parfois en oublie ? La belle image, la très belle image, a été celle d’une forêt profonde avec ses millions d’arbres touffus qui se touchent et qui projettent vers le haut toutes leurs branches jusqu’aux plus petites dans un entrelacement magnifique ! Voilà notre cerveau et ses millions, voire ses milliards de cellules, molécules, neurones, de synapses, de connections, etc., etc. ; un appareil complexe, fragile mais un appareil résilient.
D’un autre côté, la mémoire s’explique-t-elle par le cerveau ? En partie, très certainement. Mais l’outil n’est pas l’œuvre. Et le cerveau est un merveilleux outil.
Vint ensuite la partie sombre de la soirée : dépendant de notre génétique, de notre état général de santé et d’autres facteurs à ce jour inconnus, ce cerveau s’abîme ; il s’abîme dans la démence : c’est la maladie d’Alzheimer. La très redoutée maladie d’Alzheimer. Ici, nous avons toutes et tous frissonné : dans le langage ordinaire, démence veut dire « folie furieuse ». Or la nuance majeure qui nous aura échappé, c’est que ce mot du langage médical désigne, proprement, une « neurodégénérescence », qui provoque un affaiblissement psychique profond, entraîné par quelques fonctions ou capacités du cerveau (neuro) atteintes, temporairement ou, parfois, à plus long terme. En somme, et c’est ce qu’il fallait retenir, c’est que la maladie d’Alzheimer n’est pas à la portée de tout le monde.
Une autre voix faisait partie de l’aventure au cœur de la mémoire, celle du philosophe. Le scientifique cherche le comment, le philosophe cherche le qu’est-ce que c’est.
Une distinction primordiale : la mémoire, ce n’est pas l’imagination – d’où l’on peut supposer que la mémoire défaillante n’est pas une imagination défaillante, cette imagination qui nous donne, en nous-mêmes, la présence de l’absent. L’image est bel et bien en nous cependant que la chose représentée n’est pas là. Alors que la mémoire, c’est cette faculté de conserver ce qui un jour nous a touchés, affectés, et de le faire resurgir à volonté. Immatériel comme la mémoire, mais bien réel. C’est cette faculté qui conserve le passé – qui pourtant n’est plus – et qui peut donner corps à des choses encore inconnues. Imagination et mémoire, deux compétences étranges qui nous donnent l’expérience du temps. Le présent, le passé, le futur. Or nous sommes des êtres temporels… (Ce sont déjà des outils fabuleux pour le « connais-toi, toi-même », ai-je pensé.)
Un élément nouveau maintenant apparaît, nécessaire : la réminiscence, c’est-à-dire une capacité de remonter le fil de nos expériences passées. Or si cela est possible, il est nécessaire aussi que ces expériences passées soient déjà là, enfouies sous le temps, et sous d’autres « inputs », affectifs ou intellectuels. Elles formeraient, selon Jacqueline de Romilly un véritable trésor (à l’égal de celui du Laboureur de La Fontaine). Et si vous insistez, si vous « travaillez et prenez de la peine » vous trouverez ce qui vous semble perdu. Saint Augustin, lui, parle de « palais » qui abritent , en nous, nos souvenirs.
Ne sommes-nous pas des êtres étranges et merveilleux ? Si l’émerveillement avait quelque nom, ce serait mémoire et imagination !
La maladie d’Alzheimer dans tout cela ? celle qui est si redoutée ? Eh bien, la bonne nouvelle, c’est qu’elle ne concerne que 5 personnes sur 100 ! Une malchance, quoi ! Les 95 autres ne la connaîtront même pas.
Monique Lortie
lortie.monique@gmail.com
Ce retour à la vie qui en dit long