Le 28 septembre 2025 26e dimanche du temps ordinaire, année C – Lc 16, 19-31
Des quatre évangiles, Luc est celui qui revient le plus souvent sur l’argent. L’enseignement de Jésus porte sur l’argent trompeur, celui qui donne l’illusion du bonheur. Dans un de ses monologues, Yvon Deschamps dit: Il vaut mieux être riche et en santé que pauvre et malade. Jésus insiste sur le fait que l’argent n’est pas mauvais en soi mais qu’il le devient quand on l’idolâtre, lorsqu’il n’est plus un moyen mais un but. Luc est celui qui nous dit qu’il faut renoncer à tous ses biens s’ils sont un obstacle dans notre marche à la suite du Seigneur.
La semaine dernière, nous avons entendu la première partie du chapitre 16 de l’évangile de Luc, la parabole du gérant malhonnête. La deuxième partie nous raconte aujourd’hui la parabole de Lazare et de l’homme riche. Les deux paraboles, propres à Luc, ont quelque chose en commun comme nous le verrons.
Réentendons tout d’abord la première qui peut nous scandaliser à première vue. Un grand propriétaire agricole reçoit un rapport négatif sur la gestion de son gérant. Il le fait venir et lui dit qu’il est renvoyé; on trouvera pour le remplacer quelqu’un de compétent et d’honnête. Le pauvre homme est désespéré; que fera-t-il lui qui ne se reconnait aucun talent pour gagner sa vie autrement, encore moins pour être réduit à mendier. C’est là qu’il trouve ce subterfuge. Il fera venir les débiteurs de son maître et réduira substantiellement leur dette de sorte qu’il puisse trouver des gens qui vont l’accueillir lorsqu’il aura perdu son travail. Cet homme est un escroc et un un faussaire.
Là où ça cloche c’est que le maître fait son éloge, de fait c’est Jésus qui le félicite. Il dit que le gérant s’est montré habile avec l’argent malhonnête. C’est un peu scandaleux, non, de mettre de telles paroles dans la bouche de Jésus. Qu’est-ce qu’il faut comprendre? Comment un tel fraudeur peut-il s’attirer les compliments de Jésus?
C’est qu’il a compris tout de suite l’urgence de faire quelque chose. S’il ne faisait rien, il se ramassait à la rue sans ressources. Vite, il a saisi que la situation était grave. Il devait agir promptement. Il y avait urgence et cela il l’a compris, d’où l’éloge du maître.
La leçon que nous pouvons tirer de cette histoire un peu insolite c’est qu’il ne faut pas tarder à nous convertir. Il ne faut pas remettre à plus tard notre désir de prendre au sérieux l’évangile, pensant nous convertir à la dernière minute. C’est comme dans la parabole de Lazare et de l’homme riche qui vient tout de suite après dans l’évangile. Quand tous les deux meurent, il y a renversement de situation: Lazare se retrouve au ciel dans le sein d’Abraham alors que l’homme riche gémit dans un lieu de désolation. Il voudrait que Lazare trempe son doigt dans l’eau pour lui rafraîchir la langue mais cela est impossible. Du moins qu’il aille avertir ses frères afin qu’il ne leur arrive pas pareil malheur.
Voici ce que ces deux histoires ont en commun. L’argent n’est pas mauvais en soi mais qu’est-ce qu’on en fait? Il vaut mieux se faire des amis ici-bas en partageant avec ceux qui ont moins que nous afin de les sortir de leur misère pour qu’à leur tour ils nous reçoivent dans les demeures éternelles. Cela ne rejoint-il pas la première des béatitudes: Heureux les pauvres car le Royaume des cieux est à eux? C’est ainsi que l’aumône a été, de tous les temps, une pratique chrétienne valorisée, et pas seulement pendant le carême. Ceux qui en sont conscients comprennent le dicton: il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.
Père Gilles Blouin, assomptionniste
