Voici les archives des Commentaires de l’Évangile du dimanche pour l’année 2016-2017.
NOTRE HERITAGE
26 novembre 2017 Le Christ, Roi de l’univers A – Matthieu 25, 31-46
Lectures de ce jour
« Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. » Par cette parabole, Jésus nous révèle notre vocation, le projet que Dieu a sur l’humanité en nous créant : nous sommes faits pour être roi. Et il faut écrire « roi » au singulier ; car c’est l’humanité tout entière qui est créée pour être reine ; « Remplissez la terre et dominez-la » dit Dieu à l’homme au commencement du monde. (Gn 1, 28). L’idée que nous nous faisons d’un roi, entouré, courtisé, bien logé, bien vêtu, bien nourri… c’est très exactement ce que Jésus revendique pour tout homme.
Le Livre du Deutéronome, déjà, affirmait que si l’on veut vivre l’Alliance avec Dieu, il faut éliminer la pauvreté : « Il n’y aura pas de pauvres parmi vous » (Dt 15, 4) au sens de « Vous ne devez pas tolérer qu’il y ait des malheureux et des pauvres parmi vous ». Jésus s’inscrit dans la droite ligne de cet idéal attribué à Moïse.
VENEZ, LES BENIS DE MON PERE
A tous ceux qui auront su avoir des gestes d’amour et de partage le Fils de l’homme dit : « Venez les bénis de mon Père » : ce qui veut dire « vous êtes ses fils, vous lui ressemblez ; vous êtes bien à l’image de ce berger qui prend soin de ses brebis » dont parlait Ezékiel dans la première lecture. « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Le jugement porte sur des actes concrets ; curieusement, ce n’est pas l’intention qui compte ! Matthieu avait déjà noté une phrase de Jésus qui allait dans le même sens : « Ce n’est pas en me disant : Seigneur, Seigneur ! qu’on entrera dans le Royaume des cieux ; mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 7, 21).
BENIS OU MAUDITS ?
Il reste que ce texte garde un caractère un peu choquant par l’opposition radicale entre les deux catégories d’hommes, les bénis du Père, et les maudits : et d’ailleurs, dans laquelle pourrions-nous être comptés ? Tous, nous avons su, un jour ou l’autre, visiter le malade ou le prisonnier, vêtir celui qui avait froid et nourrir l’affamé… Mais tous aussi, nous avons, un jour ou l’autre, détourné les yeux (ou le porte-monnaie) d’une détresse rencontrée.
Aucun de nous n’oserait se compter parmi « les bénis du Père » ; aucun non plus ne mérite totalement la condamnation radicale ; Dieu, le juste juge, sait cela mieux que nous. Aussi, quand nous rencontrons dans la Bible l’opposition entre les bons et les méchants, les justes et les pécheurs, il faut savoir que ce sont deux attitudes opposées qui sont visées et non pas deux catégories de personnes : il n’est évidemment pas question de séparer l’humanité en deux catégories, les bons et les justes, d’un côté, les méchants et les pécheurs de l’autre ! Nous avons chacun notre face de lumière et notre face de ténèbres.
Si bien que, contrairement aux apparences, ce n’est pas une parabole sur le jugement que Jésus développe ici : c’est beaucoup plus grave et dérangeant : il s’agit du lien entre tout homme et Jésus : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »
Il est saisissant de resituer ce discours de Jésus dans son contexte : d’après Saint Matthieu, cela se passe juste avant la Passion du Christ, c’est-à-dire que ces ultimes paroles de Jésus prennent valeur de testament. Au moment de quitter ce monde, Celui qui nous fait confiance, comme il nous l’a dit dans la parabole des talents, nous confie ce qu’il a de plus précieux au monde : l’humanité.
Marie-Noëlle Thabut
Les Talents Divins
19 novembre 2017 33e Dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 25, 14-15. 19-21
Lectures de ce jour
Pour comprendre la venue du Royaume dans notre vie, dès maintenant, et dans sa plénitude à la fin des temps, Matthieu nous propose la parabole des talents. Il faut dire tout de suite que comme toute parabole c’est une parabole aux interprétations multiples.
Confier
Jésus fait comprendre à ses disciples que la relation avec Dieu se construit même dans l’absence apparente du Divin Maître. Pour développer une telle relation chacun de nous reçoit des talents, comme les serviteurs dans la parabole. Le « talent » au temps de Jésus est une somme d’argent qu’un travailleur pouvait gagner pendant 15 ans de travail. Il s’agit donc d’un don énorme, peut-on comprendre même, qu’il s’agit tout simplement d’un don hors de prix. Notre compréhension même du « talent » comme qualité et don personnels vient de la parabole que Matthieu nous raconte. C’est ce que chacun reçoit pour rendre service dans l’ordre même de la Création. En plus ce geste est accompli en totale confiance. « Confier ses biens », comme nous le dit l’Évangile, est une manière de nous dire que Dieu nous remet les dons en nous faisant une confiance totale.
Selon les capacités
Ces talents les serviteurs les reçoivent « chacun selon ses capacités », ou pour dire et traduire autrement : « chacun selon ses propres forces ». Chacun reçoit cela d’une manière appropriée à lui personnellement. Ce ne sont pas des dons dépersonnalisés distribués et consommés d’une manière dépersonnalisée. Chacun reçoit selon sa capacité de recevoir, car cette capacité de recevoir constitue la force personnelle de chacun d’entre nous. Notre capacité de recevoir, notre force, c’est aussi et avant tout notre aptitude à rendre propre ce qui nous est donné, de tirer le meilleur parti de ce qui nous est confié. D’une certaine manière nous sommes invités à digérer les dons reçus, comme on digère la nourriture, nous approprier et faire fructifier ce qui est bon et rejeter ce qui est nocif à notre condition humaine. Et dans cette capacité de « force appropriée » nous avons tous reçu une part égale de dignité. Comme nous le dit la parabole, ceux qui était inégaux au départ, les deux premiers serviteurs, sont devenus égaux dans leur capacité de faire fructifier les dons. Ils ont démontré la même force, la même capacité à doubler leur don.
Pour aller vers la vie
Ce qu’on peut remarquer aussi, c’est l’ordre de distribution des talents : d’abord cinq, puis deux, enfin un. Peut-être, s’agit-il, comme le suggère Mary Balmary, de l’évocation du corps humain, en remontant des extrémités vers le centre : le cinq (les doigts), les deux (les mains), puis le un (la tête, le tronc). Vue de cette manière, il ne s’agit plus d’une diminution dans la distribution, mais au contraire d’une progression vers l’unique et le plus vital. En plus, il ne s’agit plus de séparer les gens en catégories de bons et de mauvais serviteurs, mais à comprendre que d’une certaine manière on peut relire la parabole en visant l’unité de notre propre personne où les différentes parties de notre corps font fructifier les talents différemment. Pour demeurer des fils et des filles de lumière, comme le dit saint Paul dans sa première lettre aux croyants du Thessalonique, nous somme invités non pas seulement à multiplier nos labeurs matériels (les doigts et les mains) mais aussi à nous engager dans les profondeurs de notre être, dans notre tête et dans toute notre existence qui est soutenue par le tronc.
C’est un défi surprenant et stimulant. Et rappelons-nous que nous avons, comme nous le dit l’Évangile, la capacité à lui faire face !
Édouard Shatov, a.a.
Réussir sa vie
12 novembre 2017 32e Dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 25, 1-13
Lectures de ce jour
On ne vit qu’une fois. D’où l’importance de ne pas rater sa vie. Mais où loge la réussite ? En affaires ? Dans le milieu des arts ou du spectacle ? Celui des sports ? Dans le pouvoir politique ou religieux ? Où loge la réussite ? Dans les applaudissements ou l’admiration de la foule ? Où loge-t-elle ?
En affaires, à quel niveau se chiffre la réussite ? Cent millions ? Un milliard ? Le nombre des milliardaires reste limité. Dans le monde du spectacle brillent un grand nombre d’étoiles. Par contre, la majorité des artistes se débat comme elle peut. Chez nous, peu d’auteurs ont réussi à vivre uniquement leur art. Aux Olympiques 3 athlètes grimpent sur le podium. Et les centaines d’autres ? L’accès au pouvoir est réservé à une élite et les élections peuvent se perdre. Selon les critères habituels, la réussite serait réservée à une minorité et souvent fragilisée. Peut-être faut-il chercher ailleurs.
À la source de la Sagesse
La Bible fait l’éloge des sages. Ils apparaissent comme les modèles de vie réussie. Le Sage se sert de son jugement pour mener sa vie. Il puise dans les Écritures ses orientations et cherche à harmoniser sa vie avec la volonté de Dieu, qui est la Sagesse elle-même. Dieu, le Sage par excellence. Le Sage ne s’évalue pas en référence à ce que les autres pensent ou ce que tant d’homme désirent. Il demeure libre face à l’opinion de ses semblables et sa préoccupation est de plaire à Dieu. Les accidents de fortune ne l’inquiètent pas. La Parole de Dieu lui sert de manuel d’utilisation de la vie, de carte géographique. Elle ne limite pas sa liberté, elle trace la route pour atteindre son objectif.
La plénitude est ailleurs
La foi en la résurrection des corps s’est développée tardivement. On voyait la résurrection comme un retour à la vie actuelle, mais en version améliorée d’où, en particulier, la souffrance serait bannie. La venue de Jésus, sa mort et sa résurrection changent la donne. Il ne s’agit plus simplement de revenir à la vie actuelle, fut-elle améliorée. Jésus nous fait entrer dans une réalité radicalement nouvelle, la vie même de Dieu, illimités, éternelle. L’unique condition : croire en Lui. Pas besoin de réaliser quelque prouesse, de gagner le grand prix de la loto, d’être élu unanimement, de mériter le prix Nobel, etc. . . Simplement croire en Lui.
Le temps ne s’arrête pas
Dans une de ses chansons, Claude Léveillé se demande : « Les rendez-vous que l’on cesse d’attendre Existent-ils dans quelqu’autre univers ? »Les occasions perdues ne reviennent pas. La parabole des jeunes filles les unes sages, les autres insouciantes, redit le même message. Le temps n’attend pas. Et comme nous ignorons ce que sera demain, ou même s’il y aura un lendemain, c’est aujourd’hui qu’il importe de se tourner vers le Christ, tels que nous sommes. Sa Parole deviendra l’huile qui alimentera notre lampe, si l’attente de son retour se prolonge. Ne ratons pas ce moment présent, car il ne revient pas.
Marcel Poirier, a.a.
« Les pièges de l’autorité »
5 novembre 2017 31e Dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 23, 1-12
Lectures de ce jour
On pourrait appeler ce texte « les pièges de l’autorité » ou « conseils aux autorités », si vous préférez ; qu’il s’agisse des parents, des autorités religieuses (dans n’importe quelle religion, d’ailleurs) ou des autorités politiques, ou autres, les pièges ou les travers sont les mêmes. Ici, Jésus les a tous rassemblés en un seul portrait qui devient, du coup, caricatural. Bien évidemment, aucun Pharisien ne répondait à ce portrait-robot ; au contraire, les Pharisiens, dans leur ensemble, étaient des gens très respectables, soucieux d’être fidèles à l’Alliance de Dieu ; et l’exemple de Paul, le Pharisien qui pouvait se vanter d’observer scrupuleusement la Loi (Phi 3,6b) est là pour le prouver ; mais l’important était la leçon que Jésus voulait dégager pour ses interlocuteurs, qui étaient, d’après ce texte, « la foule et les disciples ». Car, après ce portrait, Jésus va dire « Pour vous » : pour vous, ne tombez pas dans ces pièges, dans ces travers que je viens de décrire.
Premier piège : « ils disent et ne font pas » ; deuxième piège : pratiquer l’autorité comme une domination et non comme un service ; troisième piège : vouloir paraître ; quatrième piège : se croire important ! Avoir le goût des honneurs. On voit bien tout de suite que ce sont des travers communs à beaucoup de gens investis d’une charge quelle qu’elle soit ! Ce travers est tellement humain que de nombreux commentaires juifs de la Bible insistaient sur l’importance de pratiquer ce qu’on enseigne : « Apprendre, garder et faire, il n’y a rien au-dessus » (« sifré », commentaire rabbinique sur le Deutéronome) ; « Celui qui apprend pour ne pas pratiquer, il vaudrait mieux pour lui qu’il ne fût pas créé » (idem sur le Lévitique) ; « C’est pour cela qu’a été donnée la Tora : pour apprendre, pour enseigner, pour garder et pour accomplir » (idem sur les Nombres) ; un autre commentaire rabbinique (Yebamot) disait : « Belles sont les paroles dans la bouche de qui les pratique, beau celui qui les enseigne et beau celui qui les pratique ». Jésus en dira autant : « Celui qui observera les commandements et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le Royaume des cieux » (Mt 5,19). « Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 7, 21).
Deuxième piège, pratiquer l’autorité comme une domination et non comme un service : « Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. » L’avoir, le savoir, le pouvoir, peuvent être prétexte à domination ou à supériorité ; alors que cela peut aussi bien être vécu comme un merveilleux moyen de servir les autres : encore ne faudrait-il jamais oublier que tout ce que nous possédons nous est seulement confié comme une responsabilité à exercer au bénéfice de tous. Il y a pire encore, c’est d’asseoir son autorité sur un soi-disant « droit divin » : les religions n’y échappent pas toujours, les pouvoirs politiques non plus ; et c’est la source de combien de conflits sanglants.
Troisième piège, vouloir paraître : « Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent leurs phylactères1 et rallongent leurs franges. » Qui n’est jamais tombé dans ce travers d’aimer paraître, d’attirer sur soi la considération et l’intérêt ? Et pourtant, peu importe le nom du prédicateur (ou du théologien, ou du bibliste) : pourvu que, à travers ses paroles, l’auditoire ait entendu la Parole de Dieu.
Quatrième piège, se croire important, avoir le goût des honneurs : « Ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques, ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi ». Pourtant, les titres, les décorations gardent un sens : mais ce n’est pas la personne titrée ou décorée qui est en jeu, ce sont plus profondément les valeurs qu’elle représente. Il faut être très humble pour porter sans ridicule les honneurs dûs à son rang.
Après cette énumération, le texte se retourne : « Pour vous » dit Jésus ; c’est la clé de ce texte qui nous invite à un nouveau mode de vie et de relation. Matthieu le rapporte un peu plus haut : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave. Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mt 20, 25-28).
Jésus termine en disant : « Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé ». Nous ne sommes pas dans le registre de la récompense ou de la punition. Il ne s’agit pas non plus de prendre plaisir à s’humilier. Beaucoup plus profondément, il y a là une des grandes lois de la vie : la force de l’humilité. Dans le mot « humilité », il y a « humus » (terre). Le secret c’est d’être assez lucide pour se reconnaître petit, à ras de terre ; et alors on est tout étonné de se nourrir des richesses de nos frères et de la grâce de Dieu.
Marie-Noëlle Thabut
Le Fondement de l’Amour
29 octobre 2017 30e Dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 22, 34-40
Lectures de ce jour
Quel est le véritable fondement de notre vie ? C’est tout une question. C’est sur cette question redoutable que Matthieu nous fait méditer vers la fin du vingt-deuxième chapitre de son Évangile. C’est à cette épreuve redoutable que Jésus fait face en répondant à un docteur de la Loi.
Ecouter
A l’époque de Jésus tout le monde en connaît la réponse. La prière « Shema Israël » – « Ecoute Israël » est récitée trois fois par jour et elle contient bel et bien la réponse à la question posée : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit ». Tout croyant à l’époque de Jésus savait que le fondement de l’existence était cette écoute attentive de la voix de Dieu que la prière réclame. Cette écoute de la voix divine devrait ouvrir à l’entendement et au discernement de toute réalité humaine. Les 613 commandements existent non pas pour embêter l’être humain dans sa relation avec Dieu, mais pour sanctifier tout être humain (les croyants du temps de Jésus pensaient que l’être humain est constitué de 613 composantes donc chacune doit être sanctifiée). Or, le docteur de la Loi met Jésus à l’épreuve non pas pour l’écouter mais pour lui fermer la bouche une fois pour toute.
Aimer
C’est à ce moment même en citant ce grand commandement que Jésus nous rappelle que les commandements ne sont ni une décoration de notre existence ni une autosatisfaction de nos égoïsmes plus ou moins justifiés. Les commandements sont offerts à l’être humain non pas seulement pour être accomplis, mais avant tout être priés. Les commandements supposent une telle méditation et intériorisation par chaque croyant qu’ils deviennent comme une respiration quotidienne de la vie même de Dieu. Or, Dieu ne veut que du Bien à l’être humain ! C’est pour cela qu’écouter et prier le premier et le plus grand commandement appellent immédiatement le second qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il ne s’agit pas juste d’avoir un sentiment d’amour, il s’agit de l’éprouver, de mettre ce sentiment en action. C’est un chemin exigeant ! Jésus Christ et les Apôtres étaient conscients que par la suite ça prend du temps, de l’engagement, de la bienveillance et de l’amour.
S’engager
L’être humain peut être facilement fasciné par les forces destructrices du pouvoir et de la manipulation. La preuve même de cette fascination est la question posée qui a pour but non pas le discernement du Bien mais le test qu’on fait a Jésus. Comment peut-on résister une telle épreuve ? Si je lis bien l’Évangile de ce jour j’en déduis que le seul chemin possible c’est le chemin même de Jésus. Il considère les commandements non pas comme les « choses à faire » pour se consoler soi-même dans une conscience auto justifiante, mais comme l’état de l’être et de l’action dans lesquels on rentre pour vivre dans la communion avec notre prochain. C’est pour cela que le livre de l’Exode nous rappelle qu’en transmettant les lois du Seigneur au peuple Moïse disait : « Tu ne maltraiteras point l’immigré, Vous n’accablerez pas la veuve et l’orphelin. Si tu les accables et qu’ils crient vers moi, j’écouterai leur cri ».
En fait, le fondement de notre vie c’est l’attention que je donne à l’autre, à tout Autre. Toutefois cette attention n’est jamais théorique, elle passe toujours par notre prochain. Cet Amour nous est déjà donné et c’est lui qui constitue la racine de la nouvelle vie, du Royaume de Dieu qui est déjà parmi nous. Et qui peut vivre sans amour ?
Édouard Shatov, a. a.
UNE QUESTION-PIÈGE
22 octobre 2017 29e Dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 22, 15-21
Lectures de ce jour
« Est-il permis de payer l’impôt à l’empereur ? » Jésus répond en traitant les questionneurs « d’hypocrites » ! Pourquoi « hypocrites » ? Parce que cette soi-disant question n’en est pas une… Hypocrites pour deux raisons : hypocrites, premièrement, parce que cette question, il y a longtemps qu’ils l’ont résolue. A Jérusalem, où se passe la scène, il n’est pas question de faire autrement, sauf à se mettre hors-la-loi, ce qu’ils n’ont pas l’intention de faire, ni les uns ni les autres, qu’ils soient Pharisiens ou partisans d’Hérode. Payer l’impôt à l’empereur, « Rendre à César ce qui est à César », ils le font et Jésus ne leur donne pas tort.
Mais hypocrites, aussi, deuxièmement, parce qu’ils ne posent pas une question, ils tendent un piège, ils cherchent à prendre Jésus en faute… Et le ton faussement respectueux qui précède la question force encore le trait : « Maître, lui disent-ils, nous le savons, tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ». Toutes ces amabilités ne sont qu’un préambule pour une question-piège ; et ce piège-là, logiquement, Jésus ne devrait pas s’en sortir ; de deux choses l’une : ou bien il incite ses compatriotes à refuser l’impôt prélevé au profit de l’occupant romain et il sera facile de le dénoncer aux autorités, comme résistant ou même comme révolutionnaire et il sera condamné… ou bien il conseille de payer l’impôt et on pourra le discréditer aux yeux du peuple comme collaborateur, ce qui va bien dans le sens de ses mauvaises fréquentations… mais pire, il perd toute chance d’être reconnu comme le Messie ; car le Messie attendu doit être un roi indépendant et souverain sur le trône de Jérusalem, ce qui passe forcément par une révolte contre l’occupant romain. Et puisqu’il a prétendu être le Messie, aux yeux du peuple et des autorités religieuses, il méritera la mort, ce n’est qu’un imposteur et un blasphémateur.
Le piège est bien verrouillé ; de toute manière il est perdu et c’est bien cela qu’on cherche : la première occasion sera la bonne pour le faire mourir ; la Passion se profile déjà à l’horizon, nous sommes dans les tout derniers moments à Jérusalem. Dans sa réponse, Jésus montre bien qu’il a compris : « Hypocrites ! Pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? » Il n’est pas dupe du piège qu’on lui tend…
Pourtant il est interdit de penser qu’il pourrait chercher à embarrasser ses interlocuteurs ; Jésus n’a jamais cherché à mettre quiconque dans l’embarras ou à tendre un piège à quelqu’un ; ce serait indigne du Dieu dont la lumière éclaire les bons et les méchants. Jésus ne répond donc pas au piège par un autre piège. Il traite la question comme une question et il y répond vraiment. Sa réponse tient en trois points : « Rendez à César ce qui est à César » … « Ne rendez à César que ce qui est à César » … « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu ».
Premièrement, « Rendez à César ce qui est à César », y compris en payant l’impôt. C’est tout simplement reconnaître que César est actuellement le détenteur du pouvoir, ce qui est la pure vérité. Rien à voir avec de la servile collaboration ; au contraire, c’est accepter une situation de fait ; dans la perspective de l’Ancien Testament on considère que tout pouvoir vient de Dieu. Jésus lui-même, au cours de sa Passion, dira à Pilate : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, s’il ne t’avait été donné d’en-haut » (Jean 19,11). D’autre part, et Isaïe nous l’a rappelé dans notre première lecture de ce dimanche, en parlant du roi Cyrus, Dieu peut faire tourner toute royauté humaine au bien de son peuple… or nos pharisiens connaissent mieux que nous le texte d’Isaïe sur Cyrus ; ils savent donc très bien que tout pouvoir, même païen, est dans la main de Dieu. Notons quand même en passant que le César du moment s’appelait en réalité « Tibère ». (Le nom « César » était devenu un titre).
Deuxièmement, « Ne rendez à César que ce qui est à César » : quand César (c’est-à-dire l’empereur romain) exige l’impôt, il est dans son droit, mais quand il exige d’être appelé Seigneur, quand il exige qu’on lui rende un culte, il vous expose à l’idolâtrie ; et là, il ne faut pas transiger. À l’époque où Matthieu écrit son Evangile, cette hypothèse était une réalité. De nombreux martyrs ont payé de leur vie ce refus de rendre un culte à l’empereur romain.
Troisièmement, « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu ». La vraie question est là : Êtes-vous sûrs de rendre à Dieu ce qui est à Dieu ? En l’occurrence, il s’agit de reconnaître en Jésus celui qui vient de Dieu, celui qui « est à Dieu ».
Sans vouloir tirer de ce texte une théorie du pouvoir politique que, manifestement, Jésus n’a pas voulu y mettre, parce qu’il ne s’est pas placé sur ce terrain-là, on peut retenir de cet évangile une fois de plus une étonnante leçon de liberté. César n’est que César ; les rois de la terre ne sont en réalité que des roitelets. Leur royauté est passagère et le royaume de Dieu est d’un tout autre ordre : c’est au sein même des royaumes de la terre que toute œuvre d’amour et de fraternité fait grandir le seul vrai royaume, le Royaume de Dieu.
Marie-Noëlle Thabut
La Dignité et le Poids de la Vie
15 octobre 2017 28e Dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 22, 1-14
Lectures de ce jour
Aujourd’hui, dans l’Évangile de Matthieu, nous entendons deux paraboles même si cela fait une seule histoire : celle de l’invitation au repas de noces et celle du renvoi de l’homme qui ne portait pas la robe de noces. Un élément étrange dans la deuxième parabole suscite notre attention et notre perplexité : il serait contradictoire d’exiger une tenue de cérémonie de quelqu’un qu’on a ramassé sur la route. Toutefois si Matthieu fait de deux paraboles une seule histoire c’est qu’il y a un enseignement à tirer de cela.
Prêter l’Attention
La question qui se pose alors : « Comment mesure-t-on la valeur de chacun et de chacune d’entre nous ? Combien vaut-on si ce n’est pas aux yeux des uns et des autres sinon aux yeux de Dieu ? » C’est la question de notre dignité qui se pose alors. Ou si on parle un peu plus proche du texte de l’Évangile c’est la question de notre poids dans la vie des autres et dans la vie de Dieu. Le mot ἄξιοι (áksios) – « être dignes » – dans la phrase du roi dans la parabole : ‘Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes’ – est beaucoup plus juste à traduire par « ils n’avaient pas de poids ». Comme il s’en suit de cette parabole nous sommes les invités au repas des noces du Roi, au banquet royal, ce qui signifie que notre poids aux yeux de Dieu est au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. Le repas des noces est une image de l’Alliance entre Dieu et son peuple. L’Alliance où Dieu prend soin de son peuple et où le peuple prend soin de Dieu. La question de notre poids aux yeux de Dieu est véritablement la question de l’amour de Dieu pour chacun et chacune d’entre nous.
Prendre la Décision
La révélation de Dieu dans l’Évangile de Jean le dira d’une manière extrêmement simple et saisissante : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. » Le psaume 22 que nous chantons aujourd’hui redit cet amour à sa manière : « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Grâce et Bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie. » La vérité de Dieu qui surgit dans la Parole de Dieu est la générosité sans mesure, la grâce et la compassion au-delà de tout imaginable. C’est alors, qu’on peut accueillir ce poids de l’amour de Dieu ou on peut le refuser. Comme les invités dans la parabole en général on le fait d’une manière gentille, pour « ne pas faire du mal » comme on le dit assez souvent : on s’en va à notre champ ou à notre commerce. On peut agir aussi d’une manière plus violente : on peut empoigner, maltraiter et même essayer tuer les serviteurs de l’amour de Dieu – chacun et chacune d’entre nous.
Adresser la Parole
Peut-être l’Évangile de Matthieu attire-t-il notre attention à ces refus d’une manière spéciale pour dire que nous sommes capables de préférer à un être qui nous aime, Dieu à l’accurance, les choses qui n’ont pas d’âme : champ ou commerce, ou pire traiter les êtres vivants comme des choses en les maltraitant et tuant. Le fondement de notre humanité, c’est d’être à l’image et ressemblance de Dieu, c’est-à-dire aimant, libre et responsable vis-à-vis de l’autre. Pour cela il nous faut apprendre chaque jour l’art de la conversation et du dialogue les uns avec les autres, Dieu y inclus. C’est là que nous pouvons considérer la scène où il est question de vêtement de noces. Si on lit attentivement la parabole on peut remarquer qu’il y avait une multitude de gens invités à la dernière minute et qu’ils ont su se vêtir de l’habit de noces. Ce qui veut dire apprécier l’invitation à la dernière minute et faire ce qu’on peut dans une telle circonstance. C’est acquérir l’attitude de la reconnaissance et de la gratitude. Deuxièmement, à la question « comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ? », il aurait suffi d’un mot d’excuse ou de regret, mais l’interpellé garde le silence. Un silence qui dépasse l’autosuffisance vis-à-vis de celui qui nous invite.
Le vêtement de noce – c’est peut-être l’usage de la Parole avec la reconnaissance, la gratitude et l’humilité. C’est cet art de la parole qui est notre poids et notre dignité. La traduction araméenne du texte du livre de la Genèse « Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant » dit cela avec une petite nuance à la fin : « et l’homme devint un être parlant ». Être vivant c’est être parlant et c’est dans l’usage de la parole que se cache le secret du poids et de la dignité de notre vie et de notre bonheur. Ne manquons pas un tel rendez-vous avec la Vie même.
Édouard Shatov, a. a.
Une histoire d’amour déçu, mais obstiné
8 octobre 2017 27e Dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 21, 33-43
Lectures de ce jour
Plusieurs siècles avant Jésus, Isaïe dénonçait l’infidélité de son peuple. Le poème « chant du bien-aimé à sa vigne » indique clairement qu’il s’agit d’une histoire d’amour, un amour déçu.
Parmi tous les peuples, Dieu a élu Israël. Pourquoi choisir ce peuple sans importance et non un grand empire ? Justement parce qu’il était petit. Israël ne pouvait invoquer sa puissance ou s’attribuer un mérite quelconque : il devait reconnaître la gratuité de son élection.
Mais Dieu a choisi Israël pour rejoindre tous les peuples. Sa bénédiction passe par Israël.
« Le SEIGNEUR dit: «Vais-je cacher à Abraham ce que je fais? Abraham doit devenir une nation grande et puissante en qui seront bénies toutes les nations de la terre.»
Or la vigne en question n’a pas donné de bons fruits. Dieu « en attendait le droit, et voici le crime ; il en attendait la justice, et voici les cris. »
Jésus reprend l’image de la vigne mais s’attarde à l’attitude des vignerons. Le propriétaire avait entouré sa vigne d’une clôture et élevé une tour de garde pour la défendre des dangers externes. Mais le mal est venu de l’intérieur, de ceux qui avaient la responsabilité de la protéger.
Jésus ajoute un élément majeur : l’envoi du Fils, mis à mort par les vignerons. Israël a refusé d’accueillir le Messie. On devine la souffrance de Jésus à la vue de ce peuple qu’il aime rejeter la Bonne Nouvelle.
De nos jours : tant de personnes sont attristées quand certains de leurs proches rejettent la foi en Jésus, car elles savent que la foi au Christ serait pour eux une source de joie et d’espérance.
Par contre, la parabole confirme l’entêtement de Dieu ; il ne se laisse pas bloquer dans son plan de salut par le refus de ceux qu’il avait choisis. Ce refus, offre au Père l’occasion de donner un signe encore plus grand de son amour. Il transforme ce qui était un geste de mort en acte vivifiant. Les vignerons croyaient s’approprier la vigne par la violence en tuant le fils. Triomphe apparent dont Dieu tire une victoire plus grande, sur la mort elle-même. La résurrection du Christ ouvre le passage d’une vie limitée à une existence pleine et illimitée en Dieu.
Jésus signale le fait par une image : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux. »
La résurrection du Christ constitue le pilier du nouveau peuple que Dieu désire. Ce peuple ne sera plus lié à une ethnie : il sera composé de païens convertis venus de tous les horizons. La barrière du sang disparaît. L’appartenance repose sur quelque chose de plus profond; l’adhésion du cœur à une personne : le Christ. La promesse s’accomplit : toutes les nations sont bénies en Abraham.
Les disciples de Jésus forment désormais ce peuple. L’Église qui en est l’expression visible fait face aux mêmes défis. Les responsables, à quelque niveau que ce soit ne doivent pas l’oublier : la vigne ne leur appartient pas et ils doivent en remettre les fruits. La tentation de s’approprier la vigne surgit à tout moment.
Comment, dans le concret de nos vies, incarner la vitalité de la vigne aujourd’hui ? Paul invite à regarder dehors : « Tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le à votre compte.»
Les média nous inondent de mauvaises nouvelles. Par-delà les malheurs du monde, portons nos regards sur des réalités, toutes louables : luttes contre la pauvreté, solidarité, simplicité volontaire, bénévolat, souci de l’écologie, dénonciation de l’injustice, etc… Autant de fruits savoureux à greffer sur le tronc de notre vigne.
Frères et sœurs, la constance de Dieu envers son peuple doit nous donner confiance. Que les maux de notre époque et nos propres faiblesses ne nous découragent pas. Celui qui a transformé la mort en passage vers la vie peut nous renouveler déjà maintenant.
Que son Esprit nous aide à voir les signes de son action vivifiante autour de nous et que le pain que nous partagerons dans quelques instants nous donne la force, nous « énergise » pour des engagements de plus en plus fructueux.
Marcel Poirier, a.a.
La Cuisine de la Conduite
1er octobre 2017 26e Dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 21, 28-32
Lectures de ce jour
« Lequel des deux fils a fait volonté du père ? » – voici la question que Jésus pose aux grands prêtres et aux anciens du peuple au chapitre vingt-et-un de l’Évangile de Matthieu. « Comment cuisiner notre vie selon la recette de la volonté de Dieu ? » – voici la question qui se profile à partir de cette phrase d’Évangile pour chacun et chacune d’entre nous.
Prendre les ingrédients
Disons assez clairement que notre vie dans notre compréhension habituelle se déroule en mode « de cause à l’effet ». Si tu fais de bonnes choses tout ira bien, si tu fais des choses moins bonnes, voire mauvaises, il n’y a rien d’étonnant à ce que tout aille mal. On est convaincu qu’il y a un lien entre notre comportement bon ou mauvais et les événements de notre vie, heureux ou malheureux. Les bons sont toujours récompensés, les méchants sont toujours punis. Donc, s’il nous arrive un malheur, c’est parce que nous avons commis une faute. Et en plus, nous imaginons que si nous faisons ce qui est bien nous avons la garantie, le droit à la reconnaissance, à la récompense et même au bonheur. Nous croyons même que si nous faisons un investissement important et créons des fonds « des bonnes affaires » – peu importe ce que nous ferons par la suite – nous aurons notre billet pour le monde de l’au-delà, notre « passe d’entrée » pour le Royaume de Dieu.
Interpréter la recette
Mais nous savons bien aussi que dans notre vie quotidienne les choses sont un peu plus compliquées et complexes que dans nos représentations simples, voire simplistes. Les lectures d’aujourd’hui nous invitent à faire le déplacement de la notion du « droit » à celle de « la responsabilité ». Ce que nous sommes invités à comprendre et à accepter, c’est que nous ne subissions pas notre vie en acteurs passifs mais que nous sommes appelés à traverser notre chemin terrestre en acteur actifs dont l’action fait vraiment une différence dans le monde. Le bien et le mal que nous faisons c’est ce qui façonne le monde dans lequel nous vivons et les êtres que nous sommes. Nous sommes responsables de notre vie en solidarité avec la vie des autres. C’est pourquoi il faut prendre au sérieux cette phrase : « Si le méchant se détourne de sa méchanceté, s’il se met à pratiquer le droit et la justice, il sauvera sa vie. Parce qu’il a ouvert les yeux, parce qu’il s’est détourné de ses fautes, il ne mourra pas, il vivra ». Il est toujours temps de changer de conduite ou de chemin, pour reprendre une image biblique. Se convertir, étymologiquement, en hébreu, cela veut dire « faire demi-tour ».
Goûter les mets de la joie
Voila le chemin que l’Ecriture nous invite à prendre : « nous détourner du chemin de méchanceté ». Ce chemin de méchanceté, c’est peut-être dans son expression la plus simple cette préoccupation exagérée de soi-même qui habite tout être humain au point de l’aveugler quant à la solidarité avec ses frères et sœurs en humanité. Nous sommes invités à prendre conscience de plus en plus à quel point notre destin personnel est lié à celui de la communauté. Nous sommes profondément solidaires les uns des autres. Nous le savons bien : les progrès des communications, la mondialisation de l’économie, dont on parle tant, nous le prouvent tous les jours. Pour autant, nous ne sommes pas fondus dans un grand tout et chacun de nous garde une marge de liberté et de responsabilité. Et c’est cet équilibre subtil et délicat que nous sommes invités à discerner et à mettre en pratique chaque jour. Comme le dit la lettre de saint Paul aux Philippiens : « Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts, pensez aussi à ceux des autres ».
C’est le mystère d’amour même qui est dessiné par ces paroles : l’amour de Dieu et l’amour fraternel entre nous. Nous sommes invités à nous convertir chaque jour pour faire la volonté du Père qui est la tendresse, la compassion pour que notre joie soit complète. Avec courage osons prendre le chemin de la recherche de l’unité afin de savourer le repas délicieux de la communion dans l’Esprit.
Père Édouard Shatov, a.a.
« Allez à ma vigne, vous aussi. »
24 septembre 2017 25e Dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 20, 1-16
Lectures de ce jour
La parabole des ouvriers de la dernière heure provoque un malaise, voire un sentiment d’injustice. On comprend mal ce Maître qui donne à ceux qui n’ont travaillé qu’une heure le même salaire qu’à ceux qui ont peiné toute la journée.
Voyons de plus près. Les premiers à être embauchés avaient accepté le salaire proposé. S’ils n’avaient pas su que les derniers arrivés recevaient autant qu’eux, ils auraient été contents de leur sort. Mais en voyant le don fait aux derniers, ils se sentent lésés. Leur changement d’attitude illustre bien que la « justice » humaine et celle de Dieu ne coïncident pas.
La parabole vise à nous faire découvrir que la « justice » de Dieu va bien au-delà de la nôtre. Nous, nous calculons au point de nous enfermer dans un certain égalitarisme. Dieu, lui, donne sans compter et surtout, en tenant compte de chacun.
« Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins, – oracle du Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. » ( Isaïe )
Dans la Bible, l’histoire de l’humanité est comparée à une vigne dont Dieu prend grand soin. Pour cela il embauche des ouvriers pour « une journée ». Cette journée unique c’est l’histoire de l’humanité, ou celle de notre vie.
Le maître sort 5 fois pour appeler des ouvriers. Aux 1ers il offre un denier; aux autres, il promet « ce qui est juste », sans préciser. Si le Maître concevait la justice comme nous, les derniers appelés auraient dû recevoir moins, or il leur donne le salaire d’une journée complète.
Le denier, la pièce de monnaie, porte l’effigie du roi, i.e. l’image de Dieu. Cette pièce à l’effigie du roi symbolise la participation à la divinité du roi. En la recevant, l’ouvrier recouvre la parfaite image de Dieu imprimée en lui.
Le salaire ne correspond donc pas au travail fourni. Cela devrait nous rassurer si nous sommes conscients de nos insuffisances. Cette parabole nous redit la générosité de Dieu, qui voit en nous son image. Dieu ne nous récompense pas selon nos mérites : il offre beaucoup plus, la vie éternelle. Sa « justice » ne consiste pas à niveler tous les êtres. Elle s’ajuste plutôt aux besoins et aux capacités de chacun, en particulier des faibles et des petits.
Le Maître offre un denier à l’ouvrier de la dernière heure. Jésus l’a fait pour le « bon » larron crucifié à ses côtés et qui a su se tourner vers lui au moment ultime. La générosité du Maître n’incite pas à nous installer dans la médiocrité en attendant la dernière heure. Les ouvriers embauchés à la fin du jour avaient cherché du travail depuis le matin. Le Maître récompense leur recherche.
Le Maître désire partager sa vie avec tous les humains, voilà pourquoi il sort à chaque heure appeler ceux qui veulent s’engager.
Travailler à la vigne du Seigneur demeure à notre portée : c’est communiquer l’espérance à ceux qui en manquent; être artisan de paix, d’unité et de réconciliation autour de nous; semer la joie là où nous passons, etc. Alors les personnes qui nous entourent découvriront quelque chose de la bonté de Dieu. Ils sont nombreux ceux et celles qui cherchent un sens à leur vie ; ils ont besoin de croiser sur leur route de vrais témoins de la foi. Ils nous attendent.
Marcel Poirier, a.a.
À la mesure sans mesure
17 septembre 2017 24e Dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 18, 21-35
Lectures de ce jour
« Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? » – voici la question principale du passage que nous lisons au chapitre 16 de l’évangile de Saint Matthieu. Pour le dire autrement : « Jusqu’où peut-on ou doit-on aller dans la miséricorde s’il faut y aller toutefois ? »
La mesure de l’Amour
Quand Pierre pose cette question à Jésus, celui-ci nous raconte une parabole sur la miséricorde de Dieu : une miséricorde qui ne demande qu’à nous remettre toutes nos dettes, une miséricorde qui devrait « déteindre » sur nous, en quelque sorte, puisque nous sommes à l’image et à la ressemblance de Dieu. Rappelons-nous qu’être créé à l’image et à la ressemblance de Dieu implique la créativité, l’imagination, la puissance et le développement. Mais cela implique aussi le don et l’exercice de la liberté. C’est cela l’amour de Dieu : rendre les autres capables d’amour en étant libres et sans aucune contrainte. Avoir juste le choix d’être bienveillant et non pas le programme préprogrammé des robots intelligents. Cette liberté offerte est le fondement de notre responsabilité même. Toutefois si nous parlons de liberté responsable nous devons aussi envisager une possibilité d’erreur. C’est en faisant des erreurs et des fautes qu’on apprend. C’est le résultat de l’expérience mais parfois les choses se gâtent.
La mesure de la Liberté
Les erreurs nous agressent, nous agacent et nous déçoivent. Surtout les erreurs des autres ! On doit le dire carrément, sauf les cas exceptionnels et rares, que nos erreurs on ne les voit presque pas, tandis que les erreurs des autres deviennent rapidement monumentales. Comme conséquence la colère, la haine, la rancune et le désir de vengeance s’installent. Alors, comme le dit le livre de Ben Sirac le Sage : « Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison ? S’il n’a pas de pitié pour un homme, son semblable, comment peut-il supplier pour ses péchés à lui ? » Ce qu’on oublie quand on est confronté à l’expérience d’être blessé par l’erreur, la faute, voire par le péché de l’autre, c’est que l’autre est aussi un être humain libre et responsable mais aussi capable de faute et d’erreur comme moi je suis capable de toutes ces choses. Comment peut-on se rappeler de cela et sortir des cercles infernaux de la violence engendrée par la rancune et la colère qui mènent très souvent vers les violences physiques ou verbales ?
La mesure du Pardon
Une piste de réponse à cette question difficile est donnée dans le livre de Ben Sirac le Sage : « Pense à ton sort final et renonce à toute haine ». Elle est formulée d’une autre manière dans la lettre de Saint Paul Apôtre aux Romains : « Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même ». Ces deux phrases mettent en évidence nos liens humains qui nous relient et qui nous rendent interdépendants. Toutes et tous nous sommes des humains. Et pour arrêter le cercle de violence il faut se souvenir de ce qui nous humanise et ce n’est pas la violence. Ce qui nous humanise c’est précisément le pardon, cette capacité humaine inspirée par Dieu qui renverse la fatalité de la violence et ouvre des portes à la paix pour aller vers une « humanitude » plus grande. Et cela déborde nos calculs mesquins. C’est à cela que Jésus invite Pierre : dépasser tout calcul, toute raison raisonnante. Nous sommes appelés à apprendre la mesure sans mesure de la générosité du cœur de l’être humain lequel est à l’image et à la ressemblance » du cœur même de Dieu.
Alors, « pardonner à l’autre du fond de notre cœur », c’est accomplir une œuvre de restauration de paix, c’est re-créer l’univers tout entier. Alors quand on restaure nos liens avec les autres, nous sommes prêts pour notre propre restauration !
Père Édouard Shatov, a.a.
“Être saisi par le Christ”
2 juillet 2017 13e Dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 10, 37-42
Lectures de ce jour
A première vue, le texte de l’Évangile est une succession de maximes dont on peut même se demander si Jésus les a toutes prononcées à la suite et on ne voit pas bien le lien entre elles. Mais à force de les lire et relire, on découvre au contraire qu’il s’agit d’un même appel, celui des choix nécessaires, des renoncements exigés par la fidélité à l’évangile. On savait déjà que l’évangile exigeait d’aimer : tout le discours sur la montagne l’a dit. Ici Jésus parle d’autres exigences.
« Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ». Il ne faut pas entendre le mot « aimer » au sens habituel des affections familiales ; Jésus ne nous dit pas de ne pas aimer notre prochain ; ce serait nouveau ! Mais on est dans un contexte de persécution : aussi bien quand Jésus parle, puisqu’il en mourra, que quand Matthieu écrit son évangile ; un peu plus haut, il a prévenu ses apôtres : « Le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant ; les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront condamner à mort. » (Mt 10, 21) ; et encore « N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais bien le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa maison. » (Mt 10, 34 -35 ; Michée 7, 6).
Tous les temps de persécution provoquent des drames cornéliens : le choix se pose entre la fidélité ou la mort ; même en dehors d’un contexte de persécutions violentes, on sait bien que c’est en famille et avec les amis les plus proches qu’il est souvent le plus difficile de témoigner de ses convictions. Et parfois de véritables déchirures peuvent se produire dans le tissu familial. (…)
« Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui veut garder sa vie pour soi la perdra ; qui perdra sa vie à cause de moi la gardera ». (…)
« Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité d’homme juste recevra une récompense d’homme juste. Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : il ne perdra pas sa récompense ». A première vue, nous voilà en plein dans une optique de récompense, de donnant-donnant ; mais non, car nous ne sommes pas dans le domaine de l’avoir ; puisqu’en amour on ne compte pas. Ce que Dieu nous donne n’est pas quantifiable ; c’est du domaine de l’être. C’est la vie éternelle, c’est-à-dire la vie dans son intimité. Tous les saints témoignent d’une qualité de bonheur, pas d’une quantité de biens. Et même, humainement, ceux qui vivent une véritable relation d’amour, quelle qu’elle soit, savent que l’avoir compte peu en regard de la profondeur des sentiments, la communication entre les êtres. Jésus le dit lui-même un peu plus loin : « Quiconque aura laissé maisons, frères, sœurs, père, mère, enfants ou champs, à cause de mon nom, recevra beaucoup plus et, en partage, la vie éternelle. »
« Etre saisi par le Christ » comme dit Saint Paul, voilà l’enjeu, un enjeu vital. Et c’est cela, peut-être, le lien entre toutes ces phrases de Jésus : « Etre saisi par le Christ » comme un feu intérieur qui inspire tous les renoncements exigés par la fidélité à l’évangile : le renoncement aux affections, à la considération, à l’avoir… On entend ici résonner les Béatitudes : « Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi. Soyez dans la joie et l’allégresse car votre récompense est grande dans les cieux. »
Extrait du commentaire de Marie-Noëlle Thabut, dimanche 2 juillet 2017
Père Édouard Shatov, a.a.
Tenez bon
25 juin 2017 12e Dimanche du temps ordinaire A – Matthieu 10, 26-33
Lectures de ce jour
Le ministère du Christ fut loin d’être tranquille, au point qu’humainement il s’est mal terminé. Jésus a provoqué l’ire des chefs, chargés d’administrer les affaires de Dieu. Il avançait, mains nues, avec un franc parler, qui mettait l’homme au centre de la quête de Dieu.
Dieu cherche l’homme
L’homme se laisse-t-il trouver ? C’est là une autre affaire ? Jésus venait relever l’homme, tandis que ceux d’en face, ceux qui gardaient le Temple, préféraient l’accabler. Jésus fut conspué, menacé, puis condamné mais il a tenu bon. Bien qu’on ait essayé, il ne fut pas possible d’extorquer le contraire de ce qu’il proclamait : Que Dieu aime l’homme, bien que l’homme soit pécheur; et qu’en se comportant vis-à-vis des pécheurs, ainsi qu’ il le faisait, il exprimait lui-même les sentiments de Dieu.
Personne, malgré bien des menaces, n’a pu le soudoyer pour qu’il dise l’inverse de ce qu’il pensait. Mais il faut dire plus, et bien faire ressortir, qu’il a surtout « tenu », en ne cédant jamais au poison de la haine, dont les autres se servaient. Il n’a jamais haï aucun de ceux qui l’accablaient ! Il voulait dire Dieu et son amour pour l’homme. Il a reçu de l’homme un cruel démenti, mais n’a cessé d’aimer ceux qui lui refusaient le droit d’être lui-même au nom, (et cela est le comble) des droits même de Dieu.
Ce même ministère, qui fut interrompu, ne pouvait s’arrêter
Il fallait bien que l’homme sache, encore aujourd’hui, qu’il est aimé de Dieu. Qui pouvait le lui dire, sinon le Fils de Dieu et qui peut le lui dire, encore et aujourd’hui, sinon ces hommes, envoyés par lui-même, qui expérimentent pour eux ce que c’est d’être aimés, et qui savent aussi, que personne n’échappe à cet amour de Dieu, même pas ceux qui refusent de l’accueillir en eux ? Mais pour dire « qu’Il aime », comme on l’expérimente en se laissant aimer, existe-t-il une autre façon d’être que d’être désarmé face à ceux, à qui, on vient le révéler ? Désarmé ! Tel est bien le mot juste. L’amour n’a que lui-même pour se faire accepter !
Mais l’amour est loin d’être toujours reçu. Beaucoup d’oppositions se dressent devant lui. Alors qu’il est pour l’homme l’unique nécessaire, voici que l’homme s’en détourne pour faire sa vie ailleurs, et même instaurer un régime de peur, où la force violente supplante l’autre force de respect, de justice et de paix. Les disciples du Christ, les ouvriers qui sont ses envoyés, doivent résister à toutes les tensions sans se laisser décourager et sans tomber dans ce qui est le contraire de l’amour en vérité.
Tenir bon
Le Christ les y invite. Plus, il leur donne sa force en leur donnant sa vie. Ce qu’il a vécu, en communiant à lui, ils peuvent aussi le vivre. « Ne craignez rien de ceux qui peuvent tuer le corps mais ne peuvent pas tuer l’âme » (Mt 10, 28). Celui qui aime l’homme ne peut l’abandonner. Car l’homme est à ses yeux plus important que tout. Il veut sa réussite. Il veut le rendre heureux en l’emmenant vers lui, car il n’est de bonheur qui ne soit avec lui.
La vie de Jésus Christ est un chemin de Vie. Il a fait naître ici, sur notre propre terre, le véritable amour. Il a donné à l’homme de le vivre à son tour. C’est une vérité qui ne passera pas. Il faut la proclamer, car l’amour gagnera. « Ce que je vous dis dans l’obscurité, dites-le au grand jour, et ce que vous entendez dans le creux de l’oreille, proclamez –le sur les toits » (Mt 10, 27). Tout passera, seul, l’amour restera ! Car déjà, c’était un vendredi, l’Amour a gagné sur ce qui s’est passé, et l’Amour ne cesse d’aimer ceux qui, encore et aujourd’hui, essaient de le tuer. Seul l’amour fait advenir l’homme. Vous, disciples engagés : Confiance et Tenez bon …!
P. Christian Blanc, a.a.
Du pain pour vivre
18 juin 2017 Dimanche du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ A – Jean 6, 51-58
Lectures de ce jour
On le sait tous, nous vivons dans une société dite “de consommation” et on nous incite à acheter, à consommer, à nous gâter… Mais malgré notre désir de consommer, il ne demeure pas moins vrai que nous restons toujours des êtres insatisfaits.
Pas juste un corps à nourrir
Le « Pain » en hébreu est synonyme de nourriture. Il est symbole de vie. En tant qu’être vivant, l’homme doit entretenir la vie que Dieu lui a donnée. Ainsi, se nourrir, c’est vivre, se régénérer, se donner les moyens de grandir et de s’épanouir. Par conséquent, il faut nourrir son corps qui, ne l’oublions pas, est très précieux puisqu’il est le temple de l’Esprit. C’est pour cela que dès l’origine, l’être humain reçoit la mission de cultiver la terre, afin de manger le pain obtenu par son travail. Mais l’être humain n’est pas juste un corps à nourrir. Créé à l’image de Dieu, il est appelé à entretenir cette image, qui en fait, symbolise pour lui la vie de l’esprit.
Dans le passage sur le “pain de vie” que la liturgie de la Parole nous propose aujourd’hui, nous arrivons au point culminant du discours de Jésus sur la montagne. Il ne s’agit plus ici de participer à un repas quelconque. C’est une invitation à nous unir intimement à Jésus qui est lui-même nourriture et breuvage. C’est lui le Pain Vivant qui descend du ciel. Communier au corps et au sang du Christ nous divinise et nous ouvre à une dimension d’éternité.
Devenir don
En effet, en disant : « Je suis le pain vivant descendu du ciel… Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement », Jésus s’est exposé à l’incompréhension et au rejet de ses auditeurs. “Comment cet homme-là peut-il donner sa chair à manger?” La “folie” de ce Don singulier est en effet un défi pour la raison humaine, et une réalité difficile à saisir aussi bien pour les Juifs de cette époque que pour nous aujourd’hui. En se donnant à nous comme nourriture et breuvage, le Christ nous donne le goût de nous débarrasser de tout ce qui est superficiel, de ce qui nous renferme sur nous-mêmes.
N’oublions pas que les moments les plus heureux sont ceux où l’on se met au service des autres, où l’on se dévoue et où l’on est généreux de son temps, de sa personne. Partager son pain avec le prochain est un geste éloquent qui nous rappelle le sacrifice de Jésus Christ. Paul dans la deuxième lecture interpelle vivement la communauté de Corinthe sur le scandale de l’individualisme et de l’enfermement sur soi. Pendant que les uns ont faim, les autres font bombance. Il en appelle à la pratique du don du Christ : partager le même pain et boire à la même coupe. Cela doit évidemment instaurer un nouveau type de relations entre tous les participants.
Quelqu’un vit en nous
Concrètement, après avoir communié au corps et au sang du Christ, nous ne pouvons pas sortir de l’église pour nous replonger dans le monde comme si rien ne s’était passé. Quelqu’un vit désormais en nous qui nous donne le goût de vivre. Si l’être humain refuse d’accueillir et de manger cet aliment de développement spirituel et intérieur, il se dessèche et dépérit. Vivre de l’Eucharistie, c’est avant tout vivre dans l’alliance. Manger la chair du Christ et boire son sang, c’est sceller une alliance avec lui. Cette alliance est tellement intime que le croyant vit alors “par” le Christ, tout comme le Christ vit “par” le Père. Elle met en chacun de nous sa vie et son Esprit. Elle fait de nous les membres de son corps. En cette fête du grand don, osons procéder à une petite introspection en essayant de voir comment nous pourrions mieux donner à boire et à manger à l’être spirituel qui sommeille en nous, mais aussi à tous ceux et celles qui cherchent à rencontrer Jésus Christ, source de la vraie vie.
P. Sébastien Bangandu, a.a
Ne faire qu’un à plusieurs
11 juin 2017 Dimanche de la Sainte Trinité A – Jean 3, 16-18
Lectures de ce jour
“Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique…” Comment comprendre un Dieu “unique” en trois Personnes ? Voilà qui, pour certains, fait de la Trinité un mystère difficile, voire incompréhensible. Il encourt aussi le soupçon de polythéisme ; ce qui porte à croire que les chrétiens vénèrent trois dieux. En fait, en parlant de la Trinité, nous avons bien affaire à un mystère. Et dans la perspective biblique, un mystère est avant tout un surcroît de sens qui nous renvoie à bien des réalités que nous expérimentons au quotidien de nos existences.
Trinité, unité
Après son ministère terrestre, Jésus retourne vers son Père. Désormais ce sont ses Apôtres qui poursuivront sa mission. A l’ascension il leur promet l’Esprit Consolateur. Celui-ci ne viendra pas de lui-même. C’est le Père qui l’enverra. En venant au milieu de nous, il ne parlera pas de Lui-même. Son travail consistera à leur rappeler tout ce que Jésus lui-même leur avait dit. On le voit, c’est une Église unie et unifiée dans la diversité que Jésus veut laisser à ses Apôtres. Cette unité n’est rien d’autre que l’accointance qui unit le Père au Fils et à l’Esprit.
Notre humanité, terrain sur lequel se meut l’Église et dont elle ressent fortement les secousses, est ébranlée par la division, le déchaînement des instincts contre toute forme d’ordre, toute structure qui se propose d’unir les humains. Dans ces conditions, fêter le Dieu Trine est véritablement un sacré antidote à l’esprit de division et la violence inhumaine. C’est également un vibrant rappel de l’avenir qui nous est promis.
Trinité, intercommunication
Ainsi, cette fête est là pour nous rappeler que, dans la Trinité, aucune des Personnes divines ne va jamais sans les deux autres. Car la Trinité n’est pas une surenchère des figures de Dieu, entre lesquelles chacun pourrait choisir à son gré celle qui lui convient le mieux. C’est plutôt un mystère d’intercommunication dont l’amour se trouve être l’élément moteur. Le secret de l’unité trinitaire réside dans la dynamique de l’échange où chacune des trois Personnes est disposée à se donner et à se recevoir de l’autre.
Pratiquement, cette fête admirable du Dieu Trinité nous dit l’urgence du débordement de vie. Si le Dieu Unique propage sa vie, s’il nous fait entrer par son Fils et l’Esprit dans la ronde trinitaire, alors notre pratique ecclésiale ne peut être que diffusive, communicative, relationnelle, harmonieuse, inclusive. Le Dieu Trine n’est pas un Dieu morcelé. Il n’est pas un Dieu qui isole. Ne faire qu’un à plusieurs, c’est bien là notre vocation fondamentale. Dans les relations humaines, nous approchons la Trinité lorsque l’amitié, l’amour, la cohésion fraternelle nous font vibrer à l’unisson.
Trinité, une réalité quotidienne
Enfin, si Dieu s’est incarné, s’il a voulu se faire l’un d’entre nous, ce n’est pas pour nous révéler des vérités abstraites sur lui-même, mais pour nous aider à découvrir le sens de notre existence humaine. N’allons donc pas chercher dans les lectures de la Messe d’aujourd’hui un enseignement théorique sur le mystère de la Trinité, mais bien une invitation à incarner, dans nos vies, ce qui nous est révélé dans l’amour qui lie le Père, le Fils et l’Esprit. Aujourd’hui plus que jamais retentit encore à nos oreilles cette invitation de l’apôtre Paul, telle que proclamée en deuxième lecture : « Encouragez-vous ! Soyez d’accord entre vous ! Vivez en paix, et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous ! »
P. Sébastien Bangandu, a.a
Vivre au gré de l’Esprit
4 juin 2017 Dimanche de la Pentecôte A – Jean 20, 19-23
Lectures de ce jour
“C’était après la mort de Jésus ; le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs…” On le voit, les Apôtres ont peur. La menace des Juifs plane autour de la pièce où ils se trouvent terrés. Ils craignent que ces Juifs qui ont mis Jésus à mort ne leur fassent subir le même sort. Pour se protéger, ils ont verrouillé les portes…
Esprit, force qui dissipe la peur
Nous savons tous qu’il est difficile de vivre dans la terreur. C’est la chair alors qui est atteinte et qui tremble, par manque de souffle. Le traumatisme est là présent. Plus d’espace où vivre en paix, plus d’espoir. C’est en ce moment terrible que Jésus nous visite…Il était là au milieu d’eux. Il leur dit : “La paix soit avec vous ! ” Quel bonheur ! La paix, c’est le contraire de la peur. Elle advient quand la silhouette de l’ennemi disparait et quand la vie à nouveau reprend ses droits. Alors, fini la peur. Recevez l’Esprit Saint…
Sous l’emprise de ce souffle dynamique, une audace extraordinaire anime désormais les vaillants Apôtres qui, libérés de l’emprise de la peur et du désespoir, annoncent avec courage et fermeté le Christ victorieux de la mort. Comme pour les Apôtres, toute personne qui reçoit l’Esprit de Dieu respire avec Dieu d’un même Souffle et sa chair toute entière s’en trouve vivifiée. L’épreuve, quelle que soit son intensité, devient pour lui le lieu par excellence où il aspire à recevoir ce surcroît de Souffle qui va lui permettre de s’avancer.
Esprit, artisan actuel de nos vies
Remémorer la venue de l’Esprit Saint sur les Apôtres au jour de la Pentecôte signifie bien plus que se rappeler un événement passé. C’est plutôt un appel à ouvrir grande la porte de nos vies pour nous laisser travailler et transformer par cet Esprit. Nous pourrons alors nous remettre sur la voie du témoignage qui est le signe par excellence de l’œuvre de l’Esprit en nous. C’est ce que signifie vivre au gré de l’Esprit. Présence toujours renouvelée du Christ en nous et autour de nous, l’Esprit élargit nos horizons, inspire nos paroles et nos actions et nous entraîne au creux de la vie en plénitude.
Il affine notre attention à ses invitations intérieures, il nous oriente dans la mise en œuvre concrète de ses motions parfois déroutantes et dans les choix parfois difficiles à opérer. “Il vient au secours de notre faiblesse” dit Paul, il prie en nous, il s’exprime en nous “par des gémissements inexprimables” (Rm 8, 26).
Esprit, vague rénovatrice
L’Esprit c’est ce feu qui purifie et transforme ceux et celles qui lui ouvrent la porte de leur vie. Extraordinaire révélation de Dieu, cet Esprit venu du Père et habitant pleinement Jésus nous est aujourd’hui donné par Lui. Dans l’événement de Pâques et de Pentecôte, les disciples vivent une expérience merveilleuse qui est celle de la vie en Esprit. Celle-ci devient effective quand nous osons vivre avec lui. Alors, notre vie change : ce n’est plus juste moi qui vis, qui parle, qui vais et viens, c’est plutôt “moi dans l’Esprit”, “moi configuré au Christ par l’Esprit”, “moi recevant la vie du Père par le Fils et l’Esprit”.
Telle est sans doute l’intuition de fond du temps de l’Esprit : le Dieu qui s’y révèle n’est pas seulement “le Tout Autre”, qui agit hors de moi. Il est celui en qui ma chair opère une mutation. Dès lors, je ne suis plus défini simplement par mon statut de créature, je suis uni au Créateur, indissociable de Lui. Cette union indissoluble, c’est l’Esprit qui en est la cheville ouvrière, l’artisan quotidien. Ouvrons nos cœurs à ce Souffle rénovateur et laissons-nous transformer par Lui.
P. Sébastien Bangandu, a.a
Une présence surprenante !
28 mai 2017 7e Dimanche de Pâques A – Jean 17, 1b-11a
Lectures de ce jour
Quarante jours après Pâques, nous fêtons l’Ascension de Jésus ressuscité. C’est le jour où il disparaît au regard de ses apôtres. Comme eux, nous avons notre regard tourné vers le ciel. Mais en même temps, nous ne devons pas oublier de regarder vers la terre. C’est cela le message de l’ange aux apôtres : « Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? » En d’autres termes, nous chrétiens, nous sommes « citoyens du ciel » mais nous marchons vers notre patrie définitive qui n’est pas ici-bas et non pas dans un ailleurs indéfini non plus. Oublier notre foi au Christ ressuscité serait pour nous un aveuglement mortel. Mais cela ne doit pas nous faire négliger la mission confiée par le Christ : « Allez donc, de toutes les nations, faites des disciples… »
Accueillir la présence de Dieu
Pendant le temps de Pâques, pendant 50 jours, nous fêtons le Christ mort et ressuscité. Nous méditons le grand passage de Jésus vers son Père. Cette période est là pour raviver et fortifier notre foi. C’était vrai pour les disciples. L’évangile nous dit qu’ils étaient encombrés par le doute. Mais si le Christ ressuscité est resté visible quarante jours, c’est précisément pour les faire passer du doute à la foi. N’oublions pas que le vendredi saint, ils ont subi un grave traumatisme. Ils ont vu leur Maître mis à mort sur une croix et enfermé dans un tombeau. Pour eux, c’était la fin d’une belle aventure. Mais voilà que le jour de Pâques, Jésus ressuscité les rejoint. Sa première parole, un message de paix, est message d’espérance que nous avons à transmettre à notre monde. Beaucoup vivent dans l’indifférence. D’autres sont hostiles à la foi chrétienne sans même savoir pourquoi. Plusieurs parmi nous sommes douloureusement marqués par la souffrance, la maladie, le découragement.
Accueillir notre mission
Nous sommes invités par Jésus-Christ lui-même à accomplir notre vocation et notre mission, à savoir, si je lis bien les textes d’aujourd’hui : à aider les autres dans les moments difficiles de leur vie. Nous sommes invités à leur communiquer l’espérance qui nous anime. Mais cela ne sera possible que si nous l’entretenons en nous. Il ne suffit pas de regarder ce qui va mal dans le monde. Il nous faut aussi regarder vers le ciel. Des moments de ressourcement sont nécessaires. Se ressourcer, c’est prendre du temps pour la prière, le temps de rencontrer les autres et surtout de se rappeler que l’Esprit Saint nous précède dans le cœur de ceux et celles qu’il met sur notre route. A la suite des apôtres, nous sommes envoyés pour proclamer la bonne nouvelle à toute la création. Pour cette mission, nous ne sommes pas seuls. Jésus reste avec nous. Le principal travail, c’est lui qui le fait dans le cœur des hommes. Le monde doit pouvoir découvrir en nous quelque chose de l’amour passionné de Dieu pour tous les êtres humains. Il est important que notre cœur soit de plus en plus accordé à son infinie tendresse pour l’humanité. Alors, ne perdons pas une minute. C’est à chaque instant que nous avons à rayonner de cette lumière qui vient de lui.
Accueillir notre vocation
Cette fête de l’Ascension vient donc nous rappeler le but de notre vie. Avec Jésus, nous devons nous rendre compte qu’il y a dans notre vie des passages essentiels d’une rive à l’autre. Nous sommes en marche vers ce monde nouveau qu’il appelle le Royaume des cieux et c’est là que Dieu veut rassembler tous les hommes et toutes les femmes. Comme nous dit la lettre de saint Paul aux Éphésiens : « Au terme, nous parviendrons tous ensemble à l’unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait ». Ce qui veut dire, si je lis bien : Dieu ne veut que notre bonheur et notre accomplissement. C’est cette bonne nouvelle que nous avons à annoncer aux hommes et aux femmes de notre temps. Rien ne doit l’arrêter. Les violences, les guerres, les catastrophes n’auront pas le dernier mot. Le Christ ressuscité veut nous associer tous à sa victoire sur la mort et le péché. Nous sommes à dix jours de la Pentecôte. Les apôtres en ont profité pour faire une retraite. Avec eux, nous te supplions, Seigneur : Envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre.
P. Édouard Shatov, a.a
Rendre raison de l’espérance
21 mai 2017 6e Dimanche de Pâques A – Jean 14, 15-21
Lectures de ce jour
L’appel qui nous est adressé en ce dimanche est simple et complexe à la fois : « Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect.» Ça veut dire quoi au juste ? Les lectures de ce sixième dimanche de Pâques nous permettent de mieux comprendre cela : d’où il faudrait partir et quelles conséquences s’en suivent.
Être conscients du projet de Dieu
Tout commence dans le temps de Dieu, dans son amour. Le projet de Dieu pour l’humanité dure depuis toujours ; c’est un projet d’harmonie universelle. Dans sa lettre, Pierre dit : « Dieu en Jésus-Christ nous vivifie dans l’Esprit. » C’est l’amour inspiré par l’Esprit que le Christ laisse à ses disciples comme la réalisation du projet de Dieu en lui, Jésus, et comme commandement pour ses disciples. « Voici comment Dieu a manifesté son amour parmi nous : Dieu a envoyé son Fils Unique dans le monde pour que nous vivions par lui ». Vivre – au sens de la vie éternelle – c’est connaître Dieu ; et pour que nous le connaissions vraiment tel qu’Il est, et pas tel que nous l’imaginons, Il a envoyé son Fils. Tant que Dieu est invisible, comment le connaîtrions-nous vraiment ? En Jésus, parce qu’Il est Dieu fait homme, nous voyons enfin Dieu sur un visage d’homme et dans des gestes d’homme. « Dieu a envoyé son Fils Unique dans le monde pour que nous vivions par lui », c’est-à-dire pour que nous le connaissions.
Aimer et garder les commandements
Pour réaliser ce plan d’amour inconditionnel, le Fils de Dieu, Jésus-Christ, est venu dans le monde. Et nous, les croyants, nous sommes invités à découvrir que nous devons considérer nos frères et sœurs pour lesquels nous sommes appelés à donner nos vies. Voilà une proposition inattendue : c’est de croire que l’autre, ce n’est ni l’ennemi de Dieu ni mon propre ennemi, pas plus qu’un être indifférent à ma vie ; il nous faut comprendre et accepter que l’autre est mon ami de toujours dans le plan de Dieu. C’est un tournant décisif qui s’amorce. Pour annoncer la Bonne Nouvelle, il ne s’agit pas d’éviter les autres, mais plutôt de les fréquenter ! Dans une première étape du plan de salut de Dieu, le peuple juif a été choisi et, pendant tout un temps de maturation nécessaire, il fallait préserver la foi et donc rester entre croyants. Et c’est vrai aussi pour toute communauté croyante. Mais vient le temps, une nouvelle étape, où il faut ouvrir les portes aux autres, voire les non-croyants ou les quêteurs de Dieu, pour pouvoir leur annoncer à eux aussi la Bonne Nouvelle. Etre fidèle à la foi des pères ne signifie pas répéter indéfiniment leurs manières d’agir et de parler. A questions nouvelles, solutions nouvelles.
Revenir vers les autres
Cet accueil du plan miséricordieux de Dieu et le dépassement de la peur de l’autre nous font entrer dans un temps nouveau, pourrions-nous dire dans la vie éternelle. Pour nous dire cela Jésus lance au moment le plus engageant de sa vie une phrase pleine d’assurance et de l’espérance : « Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi ». Voilà une bonne nouvelle pour ce dimanche ! Quand le Christ parle à ses apôtres, c’est pour les assurer de sa présence jusqu’à la fin des temps. Quand Jésus Christ nous parle, nous pouvons être sûrs de sa présence. Mais comme lui, nous ne pouvons pas laisser comme orphelins nos frères et sœurs en humanité. C’est cela garder les commandements : « Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui ». Voilà l’appel qui nous est lancé pour nous retrouver ensemble sous l’impulsion de l’Esprit de Jésus, l’Esprit saint qui nous donne la plénitude de la santé spirituelle.
Accueillons cette bonne nouvelle, accueillons notre prochain et rendons compte de notre espérance avec douceur et respect !
P. Édouard Shatov, a.a
Une Parole qui remet débout
14 mai 2017 5e Dimanche de Pâques A – Jean 14, 7-14
Lectures de ce jour
Chaque fois qu’il rencontrait sur son chemin des personnes désemparées, affligées, fatiguées de la vie, Jésus savait trouver une parole qui allait les chercher ; une parole qui met débout. Dans l’Évangile de ce dimanche, nous l’entendons parler aux disciples qui, justement, avaient besoin de consolation et d’une parole d’encouragement suite au désarroi causé par son départ prochain. «Ne soyez donc pas bouleversés: Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi» (Jn 14, 1). Tout naturellement, ses disciples craignaient d’être abandonnés, de rester seuls. Pour les réconforter, Jésus part d’une croyance du judaïsme selon laquelle le ciel était imaginé comme un ensemble de demeures où les humains parviendront à la fin des temps. Puis Il justifie son départ en laissant entendre à ses disciples qu’il va leur préparer une place afin que ceux-ci puissent l’y rejoindre le moment venu.
Je suis le chemin
Mais cela ne paraît pas clair et net dans la tête de tous. Se pose dès lors la question du chemin à emprunter pour atteindre ces demeures, question dont Thomas se fait le porte-parole. Dans sa sagesse, Jésus ne répond pas directement à la question du lieu, mais indique le chemin pour y arriver: « Je suis le chemin et la vérité et la vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi ». Spirituellement parlant, l’image du chemin fait référence à la question du sens de la vie conçue comme un itinéraire à parcourir. Ainsi, le chemin n’est plus à comprendre dans le sens d’un trajet à faire pour atteindre un but précis, mais plutôt dans le sens d’une relation d’intimité à nouer avec le Christ au quotidien. Seul le Christ est le chemin qui conduit à la réalisation des désirs les plus profonds du cœur de l’être humain.
La vérité
Dans l’Évangile de Jean, la notion de la vérité ne correspond pas à ce qui est juste et démontrable par opposition à ce qui est faux. Elle renvoie plutôt à la réalité divine. Par conséquent, la vérité d’une vie se déploie à travers une existence conforme à la volonté de Dieu et au service de l’autre et qui évolue dans la foi et la confiance en ce même Dieu. Autrement dit, vivre en vérité, c’est s’ouvrir à la réalité de Dieu à travers une relation vivante au Christ, appelé à vivre et à grandir dans le cœur du croyant. De là se déploient une force de vie et une liberté intérieures qui se concrétisent dans des relations vraies, empreintes de bienveillance et de l’amour du prochain.
La vie
« Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10). En venant au monde, tout être humain reçoit le don de la vie. Mais on profite largement de ce don lorsqu’on prend conscience qu’il nous vient d’un autre, le Dieu de Jésus Christ, qui en est la source. Cette vie reçue de Dieu est comme le soleil qui brille pour tout le monde ; mais on sait bien que ceux qui s’y exposent véritablement bronzent plus que ceux qui demeurent à l’ombre. Ainsi pour saint Jean, la question de notre existence, de son devenir et de son accomplissement ne peut s’envisager qu’en lien avec la personne de Jésus qui en est la source. De là s’ouvre pour nous une vie en plénitude qui se revêt d’éternité dès ici-bas et qui est susceptible de faire fructifier toutes nos entreprises. Enfin, l’Évangile de ce dimanche est une invitation à surmonter la peur : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé… ». Celle-ci est bien souvent le signe du manque de foi. La peur qu’ont expérimentée les Apôtres, est aussi celle qu’expérimente chacun et chacune de nous, d’une façon ou d’une autre. Pour vaincre les nombreuses et profondes peurs qui jalonnent notre chemin vers Dieu, il n’y a qu’un seul moyen suggéré par Jésus : avoir foi en Dieu et en Lui qui est le chemin, la vérité et la vie.
P. Sébastien Bangandu, a.a
La vie en abondance
6 mai 2017 4e Dimanche de Pâques A – Jean 10, 1-10
Lectures de ce jour
« Je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance. » Telle est la mission de Jésus : nous donner la vie en abondance. Comment peut-il y arriver ? Il expose sa mission â l’aide de deux images : le berger et la porte.
Le Berger
Jésus se présente comme le « bon » ou le « vrai » berger, celui qui guide, protège et prend soin de ses brebis. Il entretien avec elles un rapport d’intimité, car il les connaît et « les appelle chacune par son nom ». Celles-ci reconnaissent sa voix, et le suivent. Il nous connaît par notre nom, et nous sommes plusieurs milliards ! Y croyons-nous ! En Orient, les rois se voyaient comme bergers de leur peuple. Israël attribue d’abord ce titre à Dieu. Par la bouche d’Ézéchiel, Il énumère les gestes de tendresse que comporte cette image.
« C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer. La brebis perdue, je la chercherai; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la soignerai. Celle qui est faible, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai. » Ex 34, 13-16 Quelle que soit notre situation, perdus, égarés, blessés, faibles ou bien portants, Dieu s’intéresse à nous. Nous ne sommes pas un numéro dans la masse.
Suivre le berger
« Il marche à leur tête, dit Jésus, et les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix.» Dans le flot continu des messages qui nous inondent, reconnaissons-nous sa voix ? Elle devrait nous être familière. Prêtons-nous suffisamment attention à la proclamation qui en est faite lors des célébrations ? Prenons-nous le temps d’ouvrir le livre de la Parole pour en méditer des passages ? Sans une telle attention, nous n’arriverons pas à reconnaître sa voix et à mettre nos pas dans les siens et avancer vers la vie en abondance. Le berger marche devant nous sur une route qui n’est pas forcément la « route des vacances ». Il nous précède sur la route qui mène au Père, une route qui passe par la croix afin d’aboutir à la résurrection et nous introduire dans la vie même de Dieu.
La porte
Une porte permet d’entrer et de sortir. « Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé; il pourra entrer; il pourra sortir et trouver un pâturage. » Jésus est l’unique porte. Ne cherchons pas ailleurs une issue vers la liberté. Ne cherchons pas ailleurs la plénitude de la vie. Il est celui qui nous guide sur la bonne route. Tous, nous assumons d’une manière ou d’une autre, un rôle de berger ou de pasteur. Pour devenir un « vrai » pasteur, nous devons passer par la porte qu’est Jésus.
L’appel des bergers
En cette journée mondiale de prière pour les vocations, en particulier pour les vocations sacerdotales, nous demandons à l’Esprit de susciter de vocations. Nous pensons spontanément au manque de ministres. Prions-le aussi d’éclairer l’Église qui a à redéfinir les contours de la fonction sacerdotale, autant dans son exercice que dans le choix des ministres. Discernement majeur. Aujourd’hui, faisons nôtre la belle prière du psaume 22 : « Le Seigneur est mon berger ». Elle exprime une confiance totale, en particulier dans les moments difficiles. « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure. » Il est avec nous.
P. Marcel Poirier, a.a
Il nous met le baume au cœur
30 avril 2017 3e Dimanche de Pâques A – Luc 24, 13-35
Lectures de ce jour
Jésus de Nazareth, ce prophète puissant par ses actes et ses paroles a eu du mal à se faire connaitre comme fils du Dieu vivant. Pour les gens de son village, c’était juste un homme comme les autres; le fils du charpentier dont la mère, les frères et sœurs étaient bien connus. Sur la croix, il meurt comme un malfaiteur. Après sa résurrection, ses disciples n’arrivent plus à le reconnaître. Certains parlent de lui comme d’un politicien sur qui se fondait l’espoir de tout un peuple. Face au doute qui persiste après sa résurrection, Jésus Christ va multiplier les apparitions pour confirmer son identité de fils de Dieu, sa victoire sur la mort et sa présence au milieu des siens. C’est ce que nous livre, une fois de plus, le récit des disciples d’Emmaüs.
Au gré du désespoir
Deux disciples cheminent. Ils viennent de vivre un événement troublant qui les plonge dans un profond désespoir. Comme des chasseurs qui rebroussent chemin après une chasse infructueuse. Comme des fans du Canadien qui rentrent au bercail déçus de la débâcle de leur équipe favorite. Nos deux amis médusés veulent s’éloigner de ce maudit pays pour s’en aller chercher la sérénité ailleurs. Les disciples d’Emmaüs font route, le cœur gros, puisque Celui en qui ils avaient fondé leur espoir et qui allait délivrer Israël n’est plus. Ils se décident de devenir pèlerins. Ils poursuivent leur chemin. Ils avancent, désespérés du sort de leur vaillant sauveur. Ils continuent d’aller leur vie, mus par l’espoir de rencontrer des nouveaux chemins de vie. Et voilà que Celui qu’ils croyaient mort, s’approche, vient à eux et se fait prochain pour cheminer avec eux. Celui qu’ils ont cru perdre les rejoint sur leur chemin. L’espéré apparaît quand on a déjà perdu espoir. Présence réelle, surprise au milieu de nos recherches et de nos conjectures. Présence rassurante qui refuse de dévoiler son identité.
Un Dieu errant
Au contact de ce vivant, le cœur des disciples d’Emmaüs brûle, tellement ses Paroles réchauffent et revigorent. Miracle d’une relation authentique qui remet débout et permet d’avancer malgré le poids du jour et la fatigue du chemin. Ce vivant, c’est bien Jésus ressuscité qui nous rejoint sur nos chemins de vie aussi divers et variés.
Du coup, ce compagnon agréable fait semblant d’aller plus loin. Puisqu’il est, lui aussi, pèlerin. Le Christ ne s’impose jamais. Il respecte absolument notre liberté, dans l’attente passionnée de recevoir notre invitation (Apocalypse 3, 20). Il est prêt, si l’humain ne le requiert pas, à disparaître dans la nuit. Respectueux de l’espace de l’autre, il ne viole jamais le lieu d’autrui. Il est un Dieu errant, pas reconnu, préparé au refus. Il ne met pas la main sur l’homme. Son bonheur c’est d’aller errant au milieu du monde jusqu’à ce s’établisse son Règne dans le cœur de tous.
Révélation inouïe
Nos deux amis s’efforcent alors de retenir cet hôte qui leur met le baume au cœur. Parce que le soir approche et déjà le jour baisse. C’est la tombée de la nuit, c’est-à-dire l’heure des solitudes et de l’abandon. C’est aussi le moment du repos et du repas où la conversation est sacrée. Et là, Jésus se fait connaître dans le don de sa propre chair. Il se révèle à la fraction du pain. Ce geste épiphanique ouvre les yeux des hommes. Cette communion avec le Ressuscité les remet en route, ils repartent, confirmés maintenant dans leur foi. Sans plus tarder, ils traversent l’obscurité et courent pour affermir la foi de leurs frères et sœurs, en vrais témoins du Ressuscité. Eux qui revenaient de Jérusalem le front baissé et tout tristes, s’y rendent fortifiés par la présence du Ressuscité et rayonnant de joie. C’est le mystère de nos eucharisties où Dieu lui-même se révèle à nous par le biais du pain partagé. Mais ce Dieu n’est pas notre bien privé. Nous pouvons l’inviter, mais pas le garder ni le conserver pour nous-mêmes. Il ne laisse pas poser la main sur lui. Il nous échappe, pour nous donner le goût d’aller répandre sa nouvelle. Voilà notre mission d’aujourd’hui. Devenons passeurs du Ressuscité !
P. Sébastien Bangandu, a.a
La Reconnaissance de l’Amour
23 avril 2017 2e Dimanche de Pâques A – Jean 20, 19-31
Lectures de ce jour
Récemment, j’ai remarqué que notre société et chacun de nous, de manière très différente, recherchons notre propre identité. Très souvent, nous nous interrogeons sur cette question fondamentale, et très souvent nous ne savons plus qui nous sommes. Les documentaires nous embarquent dans une quête sans fin sur ce que nos ancêtres nous ont transmis et que de nombreux romans essayent de percer en contemplant les mystères de notre passé.
L’Amour qui fait naître
Les lectures de ce deuxième dimanche de Pâques, et l’Évangile en particulier, tiré chapitre vingt de saint Jean, nous aident à comprendre ce qu’est l’identité – qui est Dieu, quel est son plan pour notre vie et qui sommes-nous à ses yeux. Dieu, en son Fils bien-aimé Jésus-Christ, accueille ses disciples. Cela signifie que Dieu nous accueille, nous aussi, avec des salutations de paix et par le souffle de l’Esprit Saint. Dans ce souffle du Christ notre dignité d’enfants de Dieu est entièrement restaurée. «Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus.» Soyons clairs : cette invitation du Christ n’est pas une invitation à jouer aux êtres semblables à Dieu, et finalement à succomber au chuchotement très ancien du vieux serpent pour devenir dieu et oublier notre Créateur. Le souffle du Christ, le souffle de l’Esprit Saint, est notre restauration et le rappel pour nous tous que nous sommes déjà créés à l’image et à la ressemblance de Dieu lui-même. Si nous devons nous rappeler une chose dans notre vie, c’est celle-la. Cette ressemblance seule peut nous apporter la paix, une paix que nous pouvons partager entre nous.
L’Amour qui fait vivre
La beauté de notre dignité et de notre identité est révélée dans le simple fait qu’on peut avoir l’unité de cœur. Pour être à l’image de Dieu, il faut essayer de vivre comme la première communauté chrétienne présentée dans les Actes des Apôtres, c’est-à-dire essayer de vivre en conformité avec notre foi dans le Seigneur Jésus. « D’un seul cœur, d’un cœur généreux » – n’est-ce pas la description du cœur miséricordieux et compatissant de Dieu lui-même? C’est difficile à croire, mais c’est cela notre identité, notre vocation et notre mission que nous célébrons lors de ce deuxième dimanche de Pâques, le dimanche de la miséricorde divine. Notre vie, en fait, est appelée de plus en plus à être le reflet de Dieu dans le monde d’aujourd’hui, le reflet de sa compassion et de sa tendresse pour chaque être humain que nous rencontrons. Il est difficile de croire cela comme c’était difficile pour Thomas de croire à la résurrection de son maître et de le reconnaître comme son Seigneur et son Dieu. Le nom de Thomas signifie “jumeau” et d’une certaine manière nous sommes tous des jumeaux de cet apôtre dans son incrédulité. Mais nous sommes également appelés à être ses jumeaux dans sa confession de foi seule : sans voir le Christ ressuscité, en nous appuyant sur le témoignage de tous ceux qui ont été aimés par le Christ et qui l’aimaient en retour.
L’Amour qui ressuscite
« D’un seul cœur » – sans colère et sans haine, nous pardonnant mutuellement, nous aimant les uns les autres. Parfois, il n’est pas vraiment nécessaire de montrer notre amour pour les autres, car ceux qui aiment savent quand l’amour est vrai et ils peuvent aimer en silence, avec des actes et pas seulement avec des mots. Parfois, personne n’avait remarqué leur amour, personne n’y avait prêté attention, car en général, les choses essentielles de la vie sont invisibles pour l’œil. L’amour se suffit à lui-même ! Parfois, en fait très souvent, nous nous persuadons que notre salut vient de nous-mêmes, que notre identité peut être trouvée en nous-mêmes. L’évangile d’aujourd’hui nous dit clairement que pour être nous-mêmes, nous devons nous tourner vers les autres. C’est en nous donnant qu’on reçoit, en pardonnant qu’on est pardonné, et en mourant que l’on ressuscite à la vie éternelle. L’amour se suffit à lui-même.
«Ô amour, je sens mon âme se tourner vers le feu où je me suis réjoui et plus que jamais je désire brûler. Je brûle et les flammes vives de l’amour nourrissent mon misérable cœur. Plus je brûle et plus mon amour grandit et plus que jamais je désire brûler ».
P. Édouard Shatov, a.a
Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !
16 avril 2017 Dimanche de Pâques A – Jean 20, 1-9
Lectures de ce jour
Que de joie dans ces mots ! Pourtant, lorsque Jésus s’est manifesté à ses disciples après la résurrection, ils ont éprouvé beaucoup de difficultés à y croire. Comme nous, à certains moments.
La débâcle
Deux jours plus tôt ils avaient vu leurs rêves s’effondrer et se trouvaient encore sous le choc. Ils avaient reconnu en Jésus le Messie qui devait libérer Israël. En quelques, le rêve avait tourné au cauchemar. Au long des siècles d’autres hommes ou femmes ont aussi mis leur espérance en Jésus et ont été déçus de voir le message évangélique si peu respecté. De plus, les apôtres, honteux d’avoir abandonné Jésus au moment fatidique, se voyaient déçus de leurs chefs religieux, déçus de leurs compatriotes. Ils reprochaient à leurs leaders d’avoir condamné un homme qui n’avait fait que du bien. Ils blâmaient leurs compatriotes qui, après avoir acclamé Jésus, l’ont aussitôt rejeté. Les mêmes déceptions nous traversent. Nos infidélités au message de Jésus nous condamnent. Certains responsables de l’Église critiquent le Pape François qui parle trop de miséricorde. Que dire des abus en tout genre de membres du clergé ? Désolant aussi de voir nos compatriotes noircir le passé et rejeter en bloc les réalisations de nos prédécesseurs.
Et pourtant, Il est vivant !
Christ est vivant ! Le Seigneur est ressuscité ! Difficile à croire ! Serait-ce une illusion de plus ? Une illusion collective des disciples, incapables d’absorber l’échec de leur engagement à la suite de Jésus ?
Pourtant pendant des siècles des hommes et des femmes ont annoncé le Christ vivant, malgré les persécutions et les revers, persécutions qui se poursuivent encore aujourd’hui. Le Christ est vivant. Au long de l’histoire, Il a inspiré tant d’hommes et de femmes à se donner entièrement : soin des malades, éducation des pauvres, défense des pauvres, etc… Christ est vivant. On le reconnaît dans ces personnes qui, non polluées par l’individualisme ambiant, se dévouent pour les autres et cherchent à rendre notre monde plus humain.
Nous sommes ressuscités avec Lui
“Vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut,” nous demande Paul. Les “réalités d’en haut” sont celles qui nous font grandir, qui nous tirent vers le haut et nous rendent plus humains. Comme le spectacle de la beauté qui élève notre esprit; les actes de bonté qui nous émeuvent; les gestes de partage qui nous élargissent le cœur. Pour découvrir ces “réalités d’en haut”, i.e. ces réalités qui durent, regardons Jésus. Il incarne la perfection humaine. En le suivant, nous vivons déjà en ressuscités, habités par ce qui ne meurt pas.
Le Christ est venu pour des hommes et des femmes comme nous, empêtrés dans leurs habitudes, limités par leurs talents. Nous ressemblons à Marie-Madeleine qui cherche Jésus parmi les morts, là où il ne se trouve pas ou à Pierre qui ne comprend rien devant le tombeau vide. Thomas et les autres ont eu à cheminer avant d’accepter et de comprendre. Nous de même.
De la tristesse à la joie
Mais lorsque les disciples comprennent enfin que le Christ est réellement vivant et présent au milieu d’eux, alors éclate la joie. Alors déborde leur énergie et leur engagement s’enflamme.
Une même joie devrait nous envahir à Pâques. Nos vies semblent promises à la mort mais c’est la vie, la vie du ressuscité qui nous est donnée, la vie de Dieu que nous partagerons un jour intégralement.
Le Seigneur est ressuscité ! — Il est vraiment ressuscité !
P. Marcel Poirier, a.a
L’Éternité est en marche !
9 avril 2017 Dimanche des Rameaux et de la passion du Seigneur A – Matthieu 27, 11-54
Lectures de ce jour
Nous voici au seuil de la Semaine Sainte, sommet de l’année liturgique ! Aujourd’hui, le récit de la Passion nous prépare à célébrer l’essentiel de notre foi, résumé dans la 2e lecture : « Jésus Christ lui qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que le Seigneur, c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père. »
La semaine sainte nous invite à poser sur le monde, ses souffrances, ses échecs et ses réussites un regard de foi : le projet de Dieu pour notre monde est en train de se réaliser ; rien ne peut l’arrêter ! Projet de Vie… d’Amour… de Plénitude…
Jeudi Saint : Projet de Vie !
La Passion du Christ est la conséquence de ce que fut sa vie ! Il est mort, non pour calmer la colère de son Père mais parce qu’on l’a tué ! Il est venu nous donner la nourriture pour cette vie, c’est ce que nous célébrons particulièrement le Jeudi Saint. Sa façon de vivre dérangeait les intégristes de la loi, les défenseurs de Dieu et même les tièdes… Ils ont préféré éliminer ce gêneur, ce blasphémateur … Lorsque nous vivons à la manière du Christ, le projet de Dieu pour notre monde progresse ! Ne nous laissons pas déprimer par ce qui va mal dans le monde. Beaucoup reste à faire. Voyons surtout le chemin parcouru … (Un seul chiffre : l’espérance de vie au Togo dans les années 1960, était de 40 ans, elle est aujourd’hui de 60 ans). Les valeurs de solidarité, de respect de tout être humain, de conscience écologique, d’interdépendance entre les peuples… progressent, même si quelques soubresauts actuels vont en sens inverse… Contemplons la vie de Jésus qui parle du projet de Vie de Dieu pour le monde, et travaillons au déploiement de cette vie en nous nourrissant de la vie même de Jésus !
Vendredi Saint : Projet d’amour !
Le Vendredi Saint nous parle de l’amour de Dieu, qui va jusqu’à donner sa vie par une mort infâme sur une croix ! C’est par la puissance de cet amour que Dieu a vaincu le Mal et toute mort, car la mort n’avait aucune prise sur celui qui n’était que vie, amour et pardon. En acceptant la condition humaine jusqu’au bout, Dieu en Jésus Christ, mort sur la croix, a rejoint toutes nos souffrances, nos limites, nos détresses… Nous ne sommes plus seuls, ni perdants ni désespérés ! Contemplons cet amour de Dieu, manifesté en Jésus Christ. Aimés par lui de façon inconditionnelle, nous sommes rendus capables de cet amour qui nous dépasse ; capables de donner notre vie, à notre mesure, pour ceux qui souffrent, qui sont rejetés ou désespérés !
Pâques : Projet de plénitude !
Je préfère le mot de Plénitude à celui de Salut, mais la réalité est la même ! À Pâques, nous célébrons la Vie en plénitude à laquelle nous sommes appelés. Non pas une récompense, une autre vie ou un rêve, mais l’accomplissement de ce que nous avons commencé à vivre ici-bas ! La semaine sainte rappelle que notre vie ici-bas n’est qu’un passage, un lieu d’apprentissage en vue de notre plénitude, « un instant entre deux éternités » (Thérèse de l’Enfant Jésus). Contemplons la lumière de la Résurrection comme un coup de tonnerre qui fend les cieux et rouvre notre monde à son projet de plénitude ! Travaillons dès maintenant à notre propre résurrection et à l’accomplissement du projet de plénitude pour la Création toute entière !
Dieu est Vie… Travaillons à son projet de vie !
Dieu est amour… Laissons-nous prendre par sa puissance d’amour !
Dieu est plénitude… Soyons témoins de l’Éternité en marche !
P. Benoît Bigard, a.a
Crois-tu cela ?
2 avril 2017 5e Dimanche de Carême A – Jean 11, 1-45
Lectures de ce jour
L’Évangile de ce cinquième dimanche du Carême nous présente ce que traditionnellement nous appelons “la résurrection de Lazare”. Ce septième signe de l’évangile de Jean est le plus grandiose. On peut voir en lui-même la préfiguration de la Passion et de la résurrection de Jésus. Mais soyons clair, ce n’est pas le terme qui convient.
Le « réveil de Lazare »
La mort de Lazare n’a été qu’une parenthèse en quelque sorte dans sa vie terrestre. Sa vie après le miracle de Jésus a repris son cours ordinaire. En quelque sorte Lazare a eu seulement un supplément de vie terrestre. Son corps n’était pas transformé et il a dû mourir une seconde fois, sa première mort n’a pas été ce qu’elle sera pour nous, c’est-à-dire le passage vers la vraie vie. Alors, nous pouvons nous demander : « Pourquoi ce signe ? » En langue hébraïque, Lazare est une forme du nom « Eléazar (que Dieu ait pitié) » et cela a de l’importance. Sa résurrection, ou mieux dit son réveil, nous ouvre un nouvel horizon de la compréhension de la pitié de Dieu pour son peuple, un horizon sans limite. Si Dieu montre sa miséricorde et que la personne croit à l’amitié de Dieu, manifestée en Jésus, la vie au-delà de la mort n’est plus une vague aspiration ni une utopie : elle est une promesse.
Dieu qui appelle !
Le passage que nous méditons donne à Jésus un statut unique. Il nous révèle son être intime : « Moi, je suis la résurrection et la vie ». En même temps ce récit nous livre la conviction forte que Jésus a pouvoir sur la mort : « Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ». Celui qui croit vivra pour toujours. Jésus est reconnu comme l’irruption du Dieu des vivants parmi les hommes. Jésus révèle sa seigneurie par trois signes. Tout d’abord, par sa prière au Père où se manifeste son union avec lui et sa certitude d’être entendu : « Je savais que tu m’exauces toujours ». Deuxièmement, par son autorité sur les témoins. Jésus ordonne. Le Seigneur non seulement arrache Lazare aux chaînes de la mort, mais il n’enchaîne pas l’homme libéré à lui-même, dans une dépendance. Il renvoie Lazare dans la vie. Troisièmement, par son intervention brève et efficace : « Il cria d’une voix forte. Lazare sors dehors ! » C’est une allusion au grand cri du Fils de l’homme à la fin des temps, lequel arrachera les morts aux tombeaux.
Silence et Parole
Lazare, lui-même, apparaît tout au long du récit, mais il ne dit pas grand-chose. Il apparaît dans une certaine passivité, silencieux d’un silence fécond qui permet la prise de parole de chaque personnage du récit. Lazare, lors de sa maladie et même au moment de sa mort, ne prononce pas de demande particulière. Ce sont ses sœurs qui envoient la nouvelle de sa maladie à Jésus. Lazare est « réveillé » parce qu’il a entendu la parole de Jésus. Nous ne savons pas ce que lui advenu après sa sortie du tombeau ! Le sommet du récit est atteint avec la confession de foi de Marthe. Lazare sort du tombeau parce que la Parole de Jésus le fait vivre. C’est la même Parole qui fait reconnaître à Marthe le Seigneur, le Maître de la mort et de la vie, en l’homme qui est troublé, qui verse des larmes, qui frémit. C’est en regardant Jésus, homme parmi les hommes, que chacun de nous, avec Marthe, sommes invités à faire le saut de la foi et de reconnaître que la foi est un don. La question que Jésus adresse à Marthe revient à chacun d’entre nous : « Crois-tu cela ? »
Nous sommes invités à faire nôtre la prière de saint Grégoire de Nazianze : « Sur ta parole trois parmi les morts ont vu la lumière : la fille du prince, l’enfant de la veuve et Lazare sorti du tombeau à demi décomposé. Fais que je sois le quatrième ».
P. Édouard Shatov, a.a
Qui voit mieux ?
26 mars 2017 4e Dimanche de Carême A – Jean 9, 1-41
Lectures de ce jour
Là où se pratique encore la sorcellerie, l’explication que l’on apporte à un accident de circulation n’est pas toujours suffisante. On s’entendra dire : « Oui, certainement, mais pourquoi justement à cet instant précis, tuant telle personne ? » La conclusion c’est toujours qu’ « il y a anguille sous roche. Quelqu’un a jeté un mauvais sort à la victime ! » C’est à cela qu’on assiste dans l’Évangile de ce jour. Pour les disciples de Jésus, quelqu’un doit avoir péché pour que cet homme soit aveugle. Mais Jésus n’est pas du côté de ceux qui sont à la recherche des coupables.
Pour la gloire de Dieu
Pour Jésus donc, la souffrance de cet homme n’est pas le châtiment de son péché, ni de celui de ses parents. En disant cela il se démarque nettement de la pensée habituelle de l’époque qui présupposait un lien de cause à effet entre péché et malheur. Cet homme, dit Jésus, est né aveugle pour qu’un jour la gloire de Dieu puisse se manifester. Non seulement pour lui, mais pour tous ceux et celles qui croient voir mais qui en réalité ne voient pas.
Dans son face à face avec l’aveugle-né, Jésus s’adresser à un exclu sans le juger et veut le restaurant dans sa dignité d’être humain et de fils de Dieu. Il veut le réhabiliter en lui redonnant sa place dans la communauté des hommes. Il veut le délivrer des images dont il est affublé. Quand nous sommes en face d’un être cher qui est blessé, Jésus nous invite à agir par amour, mais aussi dans l’espoir que nos gestes contribuent à améliorer son sort et non pour le juger.
Le regard du croyant
Tout chercheur de Dieu peut se reconnaître dans la démarche de l’aveugle-né. Il y a un cheminement, des affrontements, des épreuves, mais il faut une conversion, avant de parvenir à un acte de foi. Comme les pharisiens de l’Évangile, nous sommes tous, dans une certaine mesure, aveugles de naissance. Puisque nous sommes nés dans un monde qui semble nous imposer sa vision de la réalité et du bonheur. Dans ce monde, nous semblons avoir une certaine maîtrise des situations, un certain savoir et nous ne sommes pas souvent prêts à les quitter pour suivre des chemins nouveaux et inconnus. Comme l’affirme André Malraux, « ce qui touche les yeux du profane est apparence». Le regard du croyant est appelé à aller au-delà de ce qui paraît. Alors que les pharisiens luttent pour le respect du sabbat profané, Jésus, Lui, voit l’urgence de sauver une vie. Alors que les Pharisiens voient en Jésus rien d’autre qu’un pécheur, on observe chez l’aveugle-né une évolution graduelle dans sa connaissance de Jésus. Avant il disait je n’en sais rien. Puis il affirme que c’est un prophète, parce que s’Il n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. Et enfin, il professe sa foi : « Je crois Seigneur ! » et se prosterne devant Lui.
En marche vers la lumière
Jésus est la lumière du monde. La lumière véritable. En marchant vers Pâques, c’est vers lui que nous marchons. Mais avant tout, il nous faut traverser la nuit de l’épreuve et du doute. Et le chemin passe par la société où nous vivons où nous avons un rôle à jouer. Essayer de comprendre ce monde, c’est essayer de progresser dans la connaissance de Dieu. Et en acceptant de mourir à nos propres idées, n’ouvrons-nous pas la porte à Celui qui s’est présenté comme la Lumière du monde ?
P. Sébastien Bangandu, a.a
Donne-moi à boire
19 mars 2017 3e Dimanche de Carême A – Jean 4, 5-42
Lectures de ce jour
Quand Dieu se fait mendiant. Jésus demande à boire à une femme de Samarie. Rien ne prédispose ces deux êtres à une vraie rencontre. Jésus fait tomber l’une après l’autre les barrières qui les séparent.
En premier, la barrière ethnique. Juifs et Samaritains se haïssent en frères ennemis. La femme le lui rappelle :« Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? »
À la barrière ethnique s’ajoute le différend religieux. Pour les Juifs, les Samaritains sont hérétiques, car ils n’acceptent que le Pentateuque et rejettent les autres livres dont les prophètes. Jésus dépasse l’obstacle.
La coutume ne permettait pas à un homme de s’adresser à une femme en public. D’où l’étonnement des apôtres « de le voir parler à une femme. » Jésus ne tient pas compte de cette barrière sociale.
La femme vient puiser de l’eau à midi, l’heure la plus chaude : normalement les femmes accomplissent cette tâche dans la fraîcheur du matin. Elle choisit probablement ce moment pour éviter le regard et les commentaires des femmes du village qui n’aiment sans doute pas beaucoup cette « croqueuse de maris ». Jésus demande à boire à une personne rejetée par les siens, marginalisée. Ainsi, il lui découvre qu’elle est respectable.
Avoir eu cinq maris et vivre avec un autre trahit une instabilité affective : elle a vécu des ruptures et en porte les blessures. Elle cache son insécurité sous un ton fantasque. Jésus ne se laisse pas désarçonner et relance chaque fois le dialogue.
Cela se déroule près d’un puits, lieu symbolique. Rebecca, future épouse d’Isaac a été rencontrée près d’un puits. Jacob et Moïse y ont aussi reconnu leur épouse. Jésus révèle à cette femme qu’elle est aimée.
Lorsqu’il offre « l’eau vive » elle s’en tient au sens littéral et répond non sans ironie :
« Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. »
Quand Jésus lui demande d’appeler son mari, elle comprend qu’Il est un prophète. Alors elle commence à s’ouvrir et pose la question qui tenaille tous les Samaritains: où adorer ? Alors Jésus lui confie une révélation importante :
« Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. . . Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »
Nous pouvons adorer partout et en tout temps, à la maison ou à l’église, au repos comme au travail, dans la joie comme dans l’épreuve. Se sentant enfin reconnue, elle laisse là sa cruche et retourne au village annoncer la présence de Jésus. Elle le fait en toute humilité : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? »
La rencontre de Jésus avec la Samaritaine nous le dit clairement : nul n’est trop loin pour Dieu. Quelles que soient nos limites et nos fautes, le Christ est à notre recherche. Il nous attend près du puits pour demander « Donne-moi à boire », comme il attend ceux et celles qui nous semblent trop loin. C’est là qu’il donne l’eau vive qui étanche la soif et nous permet d’aller au village annoncer sa présence.
Allons sans crainte à la rencontre de Celui qui nous attend au puits et offre son « eau vive ».
P. Marcel Poirier, a.a.
Changer notre regard
12 mars 2017 2e Dimanche de Carême A – Matthieu 17, 1-9
Lectures de ce jour
Hier je regardais avec bonheur une vidéo que fasciné, un confrère a publié sur sa page Facebook. Il s’agissait de la mue d’une gigantesque araignée. J’étais à mon tour fasciné par cette étonnante métamorphose. J’observais ainsi la mygale se débattre d’abord doucement, puis de plus en plus vivement pour sortir de sa vieille carapace rugueuse pour revêtir une peau neuve et tendre. Mais quand on pense à la vulnérabilité et la gêne qui accompagnent ce processus, il y aurait de quoi s’abstenir si on était de cette espèce-là.
Garder un cœur ouvert et confiant
La vie chrétienne peut être comparée à la mue d’un insecte. Parce que vivre avec Jésus, marcher à sa suite comporte aussi sa part d’épreuves et des souffrances. Chacune de nos existences est traversée de jours lumineux, pleins d’enthousiasme, où on se sent bien exister. Mais il y a aussi des jours où tout semble gris, des jours où le poids de la vie nous écrase. N’oublions pas que le Christ avant nous a fait la même expérience.
Dans ses interactions avec ses disciples, le Christ a toujours eu une intuition préventive et formatrice. Maître avisé et sage, il voudrait préparer ses disciples à ce qui va arriver. Il n’est pas un vendeur d’illusions. Ainsi, les disciples peuvent garder un cœur ouvert et confiant en Jésus Christ, pour que, lorsqu’arrivent ces moments de grande vérité, ils aient la force de résister. Et il est réconfortant pour nous qui sommes si souvent mal préparés face aux épreuves, de savoir qu’Il prie pour nous et nous prépare à les affronter avec courage.
Changer notre regard
Les temps d’épreuves et d’adversité nous mènent à changer notre regard sur la vie, les choses, les êtres. C’est pourquoi la sagesse populaire dit que c’est dans la nuit qu’on se rend mieux compte de l’existence des étoiles. La sagesse du message de la transfiguration réside dans l’espérance ardente qu’au-delà d’un présent tumultueux, un avenir lumineux et glorieux nous attend. Le chemin de chacun, quels que soient ses méandres, peut être porteur d’un avenir prometteur. Ce que les disciples ont vécu avec Jésus sur la montagne, nous sommes appelés à le vivre à des niveaux différents et selon les circonstances. Mais pour cela, il nous faut consentir à quitter notre zone de confort et accepter d’être emmenés à l’écart comme ce fut le cas pour Abraham. Mais comme Pierre, nous sommes constamment habités par le désir humain de s’installer, de se construire une tente là où il fait bon vivre. Saurons-nous accepter de le suivre, pour le rencontrer, dans le désert de nos vies?
Transfigurer nos vies
L’instant de joie intense sur la montagne ne dure pas longtemps puisque la transfiguration se veut un mouvement qui nous éveille à la voix du Père qui nous montre le vrai chemin vers Pâques, Jésus son fils bien-aimé. En même temps, elle nous met en route et nous fait prendre conscience que nous appartenons à “une Église sans domicile fixe” (Alain Roy). Il ne s’agit pas de nous laisser bercer par l’euphorie passagère d’une vie sans perspective. Notre Dieu est un Dieu des grands espaces et des larges horizons. Il veut des hommes et des femmes en marche. L’appel entendu jadis par Abraham à quitter son pays demeure le modèle de toute démarche de foi. Que ce carême nous aide à prendre avec courage le chemin qui conduit vers la vie véritable.
P. Sébastien Bangandu, a.a.
Réaffirmer notre identité filiale
5 mars 2017 1e Dimanche de Carême A – Matthieu 4, 1-11
Lectures de ce jour
“Le plus grand péché, aujourd’hui, est que les hommes aient perdu le sens du péché” affirme le pape François. Une affirmation très adaptée au temps que nous vivons. En effet, le péché, qu’on aimerait bien nommer ‘’faute’’ ou même ‘’erreur’’ puisqu’il nous coûte parfois de le désigner par son vrai nom, nous séduit en même temps qu’il nous intrigue. Il peut paraître savoureux, agréable à regarder, désirable, attrayant, comme on le lit dans le livre de la Genèse.
Lutter contre l’esprit du mal
De nos jours, le “péché mignon” a de plus en plus tendance à affaiblir la portée de cette réalité et à nous faire perdre de vue la notion de ce qui est bien ou mal, au profit d’un certain mode de penser ou des pressions quotidiennes de la vie. Jugé rétrograde, le mot “péché” est passé sous silence, désavoué ou attendri pour le besoin de la cause. Or, personne n’est parfait et il est bon de se le rappeler. Le péché nous affecte et nous faits prendre conscience de notre nudité, c’est-à-dire de notre fragilité humaine, de notre nature vulnérable.
La réalité du péché devrait surtout réveiller notre conscience à la grave question du mal qui nous ronge autant que notre monde. Cependant, il faut se convaincre que le péché n’est pas une fatalité si on le reconnaît et qu’on le regrette en prenant la résolution de retrouver le chemin de la communion et de la réconciliation avec Dieu et avec notre prochain. Et le temps de carême c’est justement cette occasion favorable que le Seigneur nous offre pour lutter contre le mal.
Sur les pas de Jésus
Nous ne sommes pas seuls à mener cette lutte contre le mal. Le Christ nous a précédés sur le chemin du désert. Ce Christ qui nous ressemble tellement. Comme nous, ce fut un homme fragile, dépouillé, affaibli par la faim et la soif au désert. Dans ces conditions, il aurait dû obéir aux sollicitations de Satan, tellement il était démuni et fragile. Bien au contraire, il a préféré confirmer jusqu’au bout son identité de fils de Dieu et son attachement indéfectible au Père. Le désert, en effet, est un lieu où tout aspire à la vie. Un lieu privilégié de relation avec Dieu, mais aussi avec tous ceux et celles qui, d’une manière ou d’une autre, habitent notre cœur. Au sens spirituel du terme, le désert signifie un retrait temporaire du monde pour assumer nos relations à un autre niveau de profondeur, dans la communion avec Dieu et le prochain.
Confiance à la grâce du Dieu
Enfin, il peut arriver à tout le monde d’être tenté, de faire le mal. Nous sommes tous pécheurs. Si quelqu’un dit n’avoir jamais eu de tentations, il devra être soit un ange, soit quelqu’un de pas normal. Toute sa vie Jésus lui-même l’a expérimenté. C’est donc à partir d’une vie parsemée de toute sorte de tentations que Jésus nous apprend comment nous pouvons vivre en ce monde sans abdiquer notre identité de fils de Dieu. Notons toutefois que la foi ne consiste pas à être fort ou à remporter la victoire, mais à tenir bon dans la confiance à la grâce du Seigneur. En ce premier dimanche de Carême, première étape de notre cheminement vers Pâques, Jésus nous mène avec lui au désert pour nous apprendre à lutter contre les forces du mal. Ouvrons nos vies à son Esprit.
P. Sébastien Bangandu, a.a.
Jésus, libérateur des cœurs
26 février 2017 8e Dimanche A – Matthieu 6, 24-34
Lectures de ce jour
Jésus « Vous ne pouvez pas servir Dieu et l’argent ». Voilà une parole assez catégorique de la part de Jésus, une parole qu’il faut interpréter pour en comprendre le sens. Jésus aurait-il méprisé la richesse, lui qui a su entretenir de bonnes relations avec les riches et les pauvres, avec toutes les catégories sociales d’alors ? Il me semble qu’il n’a l’intention aucune, ni de mépriser la richesse, ni de la condamner. Il veut tout simplement que notre cœur, notre volonté et notre intelligence soient capables de donner à l’argent sa juste valeur et de le mettre à sa juste place. En effet, l’expérience quotidienne montre que la relation avec la richesse n’est pas toujours facile à gérer. Parfois, au lieu de conduire la personne à une grande ouverture à Dieu et aux autres, la richesse devient une menace de repli sur-soi, d’enfermement. On se construit un mur de protection en y affichant « Cave canem » (Chien méchant) Au lieu de ramener la personne à Dieu qui est la source de toute chose, il arrive quelque fois que la richesse l’en éloigne. Jésus n’a t-il pas donné sa vie pour nous libérer de tout ce qui est susceptible de nous emprisonner, de tout ce qui nous détourne de Dieu ? Saint Augustin disait : « Tu nous as faits pour toi Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi ».
La richesse, un don de Dieu
Dans un monde où la course à la richesse fait l’objet principal de la préoccupation quotidienne de l’homme et de la femme, l’évangile de ce jour semble mettre au clair le type de relation à établir avec l’argent, symbole principale de nos richesses. En fait, qui ne veut pas être riche, d’autant plus que la richesse est toujours considérée comme un signe de bénédiction de Dieu, un signe de prospérité ? Un vieil adage dit aussi que l’abondance des biens ne nuit pas. Don de Dieu, la richesse est une très bonne chose qu’il faut acquérir autant que faire se peut pour combler nos besoins de toute sorte. Et même le Royaume de Dieu que nous voulons étendre, attend beaucoup de la contribution des biens matériels. Tout en comptant sur l’intervention de la grâce divine, l’évangélisation ne peut pas faire abstraction de l’importance de l’apport financière. Effectivement, nous ne pouvons pas faire grand-chose si nous sommes à court d’argent. Et, il n’y a rien que nous pouvons faire dans la vie qui ne demande pas de l’argent. Dans notre planète, combien de personnes meurent de faim, du manque de soins médicaux, du manque des besoins vitaux, tout simplement, parce qu’elles n’ont pas d’argent pour se le payer. Dieu donne la richesse à l’humanité pour son bien-être, son épanouissement et son bonheur. Puissent les pays riches aider les pays pauvres à avoir le minimum pour vivre dans la dignité de l’homme de la femme.
L’humanité, au service de Dieu
Cependant, l’argent ne fait pas le bonheur, dit un proverbe. Cette expression, vous l’avez sans doute entendue de nombreuse fois. Mais par qui est-elle prononcée finalement ? Est-ce par ceux qui ont de l’argent ou par ceux qui n’en ont pas ? Parce que si la richesse n’est pas un gage de bonheur, les problèmes financiers n’aident pas forcément à être épanoui. Et comme disait un écrivain français (Jules Renard) « si l’argent ne fait pas le bonheur, rendez-le ! ». En fait, il faut beaucoup de critères pour parvenir à ce bonheur pour lequel nous avons été créés. Justement, la richesse en est un. Toutefois, cela ne veut pas dire que tous ceux et celles qui sont riches sont heureux. Mais on ne peut pas être heureux, non plus dans la misère. Serait-il juste de mettre sur un même pied d’égalité Dieu étant Créateur et l’argent que nous avons créé ? Le discours de Jésus consiste à avoir un bon discernement pour bien distinguer les choses dans la vie. Quel est notre devoir à l’égard de Dieu ? Nous sommes ses créatures et ses enfants, par conséquent nous devons le servir. Quant à l’argent, nous en avons besoin pour notre bien-être. Ben Sira le Sage 5, 1 dit : « Ne t’appuie pas sur tes richesses », et ne dis pas : « Elles me suffisent ». En effet, l’argent est un bon serviteur, un mauvais maître, dit un adage. Et le psalmiste dit : « Heureux est l’homme qui met sa confiance dans le Seigneur » (Ps 1). Voilà ce à quoi l’évangile nous invite aujourd’hui.
P. Jean-Chrysostome, a.a.
Accomplir la Loi ?
12 février 2017 6e Dimanche A – Matthieu 5, 17-37
Lectures de ce jour
Jésus affirme : « Je ne suis pas venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. » Il n’est pas venu abolir, et pourtant, il met de côté plusieurs prescriptions, comme le lavage des coupes et des mains, comme la défense de fréquenter les pécheurs ou les païens, etc. Alors, que signifie « accomplir la Loi»?
Accomplir la Loi
Jésus accomplit la Loi dans sa personne même : il est Celui en qui le Père ne trouve aucun défaut. Il s’agit d’une vie entièrement donnée à Dieu et aux autres. Aucun repli sur soi. Tout est amour. En outre, Il accomplit la loi en en révélant toute la plénitude. Les exemples qu’il donne montrent que la Loi s’accomplit vraiment quand le cœur humain s’y engage. Voyons les exemples qu’Il donne.
« Tu ne tueras pas ».
Éliminer la violence radicale est un début, nécessaire. S’en contenter ne suffit pas. Jésus va plus loin. Il faut éradiquer l’agressivité qui hante le cœur de chacun : colère contre son frère, insulte ou mépris. « Si quelqu’un le traite de fou, il sera passible de la géhenne de feu. »
Colère, insulte ou mépris blessent et provoquent la mort tuent à petits feu. Tant que l’agressivité domine les mouvements du cœur, l’amour ne peut naître et se développer. On demeure loin du commandement « aimer son prochain comme soi-même. »
« Tu ne commettras pas d’adultère ».
Tromper son conjoint n’arrive pas inopinément. La trahison physique est précédée par un éloignement du cœur. Jean-Paul II aurait dit qu’un homme peut être adultère avec sa propre épouse. Affirmation provoquante ! Un époux peut faire l’amour sans tenir compte de sa femme. Elle n’est plus alors qu’un objet pour assouvir ses pulsions. Pire, il peut le faire en pensant à une autre. L’infidélité commence quand le cœur s’attiédit et se laisse guider par des désirs incontrôlés. « Que votre parole soit « oui », si c’est « oui », « non », si c’est « non ».
Nous souhaitons que les autres soient toujours vrais avec nous. Par contre, il nous arrive de maquiller la vérité : de grossir certains faits, de taire certaines circonstances pour nous mettre en évidence. Jésus nous redit que toute relation solide ne peut se faire que dans la vérité et non le mensonge, si petit soit-il.
Exigeant et compatissant
Nous ne serons jamais à la hauteur de l’idéal que propose Jésus. Il le sait. S’Il pardonne généreusement ; ce n’est pas pour minimiser nos fautes. Au contraire, il rappelle l’idéal à atteindre. À la femme prise en flagrant délit d’adultère, il dit : « Je ne te condamne pas. Va, et ne pèche plus. » Il voit en chacun et chacune l’image et la ressemblance de Dieu. Voilà pourquoi il invite : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »
Comment concilier un idéal si élevé avec l’infinie miséricorde du Père ? Trop parler de miséricorde fait peur à certaines personnes ; elles y voient un encouragement à la médiocrité. Mais Jésus tient trop à nous pour nous laisser poiroter dans un laisser-aller nocif. S’il pardonne tout à celui et celle qui regrette, c’est pour lui permettre de reprendre la route avec courage.
À nous d’accomplir la Loi
Jésus est venu accomplir la Loi. Nous sommes appelés à en faire autant, c’est-à-dire à imprégner d’amour tout ce qu’il nous est donné de vivre. Jésus a emprunté la route de l’amour total avant nous. Nous le rappelons à chaque eucharistie. Que notre communion ravive en nous les forces de le suivre sur cette route.
P. Marcel Poirier, a.a.
La lumière qui brille et qui éclaire
5 février 2017 5e Dimanche A – Matthieu 5, 13-16
Lectures de ce jour
Comment accomplir la mission que Jésus confie à ses disciples ? C’est le thème principal de l’évangile de ce cinquième dimanche du temps ordinaire. Matthieu, pour caractériser la mission des disciples de l’Église et donc de chacun de nous, nous propose trois images : le sel de la terre, la lumière du monde, et la lampe sur le lampadaire.
Le sel de la terre
Le sens originel de cette métaphore est difficile à cerner. Beaucoup plus facile de regarder sa présente application : le sel donne de la saveur et – dans un monde sans réfrigérateur ! – empêche la décomposition. Le sel est aussi l’élément nécessaire de « l’alliance du sel » chez le peuple d’Israël, qui signifie la pérennité d’un pacte. La vocation des disciples, c’est de donner de la saveur au monde et d’en assurer la survie devant Dieu. Les disciples sont là pour révéler au monde la saveur de leur vie. Les hommes ne nous attendent pas pour vivre des gestes d’amour et de partage. Les aliments existent avant de recevoir le sel. Cela nous en dit long sur la mission que Jésus confie à ses disciples, donc à nous. Personne n’a besoin de nous pour exister, mais apparemment nous avons un rôle spécifique à jouer : annoncer la Bonne Nouvelle. Évangéliser, c’est dire que « le royaume est au milieu de nous, dans tout geste, toute parole d’amour » ; c’est là que l’humanité attend les disciples du Christ, qu’elle nous attend, si j’ose dire : pour lui révéler le Nom de Celui qui agit à travers les disciples : puisque « là où il y a l’amour, là est Dieu ».
La lumière du monde
Dans l’évangile de Matthieu, cette image nous renvoie au livre du prophète Isaïe qui nous rappelle la vocation de Jérusalem, lumière placée sur la montagne pour attirer les peuples vers Dieu, et la vocation d’Israël, « lumière des nations ». Cette lumière n’existe pas pour elle-même. Elle existe toujours en relation avec les autres. Ce qui revient à dire que l’Église n’existe pas pour elle-même. Elle n’existe que pour le monde. Voilà qui nous remet à notre place, comme on dit ! L’Écriture Sainte répète en permanence au peuple d’Israël qu’il est le peuple élu, certes, mais au service du monde ; cette leçon-là reste valable pour nous. Ce service a été accompli d’une manière exemplaire par Jésus Christ, « la lumière du monde » selon l’évangile de saint Jean. C’est à cette vocation christique que le Seigneur nous appelle. Lumière du monde, nous sommes là pour mettre en valeur la beauté de ce monde : c’est le regard d’amour qui révèle le vrai visage des personnes et des choses. L’Esprit Saint nous a été donné précisément pour que nous puissions entrer en résonance avec tout geste ou toute parole qui vient de lui.
La lampe sur le lampadaire
La lumineuse attirance des disciples constitue un devoir. La lampe de la mission évangélique est allumée pour être vue, ce qui veut aussi dire pour être utilisée. Cette notion de service est soulignée par la phrase : « on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ». Dans le monde de l’Antiquité, le boisseau n’a pas valeur d’éteignoir, mais de lieu de rangement de la lampe lorsqu’elle ne sert pas. Ce qu’on demande à la lampe, ce n’est pas d’être jolie, mais d’éclairer ; et d’ailleurs, si elle n’éclaire pas bien, si on n’y voit rien, comme on dit, on ne verra pas non plus qu’elle est jolie ! Jésus nous invite à nous engager à ce service, à commencer le chemin des béatitudes. Pour ce chemin, le livre d’Isaïe nous propose les gestes de libération, les gestes de partage. C’est tout simplement l’imitation de l’œuvre de Dieu lui-même ; Israël a expérimenté bien souvent l’action du Dieu libérateur et la compassion du Dieu miséricordieux ; et ce qui lui est demandé, c’est de faire les mêmes gestes à son tour. Décidément, l’homme, chacun d’entre nous, est vraiment fait pour être l’image de Dieu !
« Alors ta lumière jaillira comme l’aurore… ta lumière se lèvera dans les ténèbres, ton obscurité sera comme la lumière de midi ».
P. Édouard Shatov, a.a.
Chemin des Béatitudes
29 janvier 2017 4e Dimanche A – Matthieu 5, 1-12a
Lectures de ce jour
En ce dimanche l’Évangile de Mathieu attire notre attention au fait que même si le bonheur est important dans notre vie, ce qui est beaucoup plus important, c’est la vie qui nous mène au bonheur. Pour cela il nous faut poser un certain regard sur les réalités qui nous entourent. C’est ce « regard renouvelé » qui constitue le sujet principal du sermon sur la montagne que Mathieu nous livre dans le chapitre cinq de son Évangile.
Découvrir le lieu
Tout d’abord, il y a le lieu d’où Jésus nous livre son discours. Dans le texte tel que nous venons de l’entendre on nous dit que « Jésus gravit la montagne ». Mais si on regarde le texte d’Évangile dans sa langue originelle, la langue grecque, ce texte nous dit que Jésus « monta dans la montagne ». La montagne représente Dieu. Jésus entre dans l’intimité de Dieu même. Le grand prophète Elie, n’a rencontré le Dieu de la brise légère, lui aussi, qu’au moment où il était menacé de mort, dans une grotte, dans une montagne. Or Matthieu nous suggère peut-être ce rapprochement en parlant de la montagne des Béatitudes. Cela veut dire que pour entendre Jésus et ses paroles sur la « vie heureuse » il nous faut nous placer dans le même lieu d’où Jésus nous parle. Il nous faut nous enraciner en Dieu. C’est pour cela qu’il nous faut entendre la première lecture tirée du livre de prophète Sophonie « Cherchez le SEIGNEUR, vous tous, les humbles du pays ». Être humble, ce n’est pas nier son identité mais se reconnaître créature de Dieu, enfant bien-aimé de Dieu créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, un être créé libre donc responsable, créé pour la justice, la miséricorde, la paix, la joie et le bonheur.
Se mettre en chemin
Ensuite, Jésus nous propose un cheminement. Un cheminement qui nous invite à nous déplacer. Ce cheminement décrit bien la sagesse de Dieu qui est toujours différente de la sagesse humaine. Comme le dit saint Paul dans sa première lettre aux Corinthiens : « Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort. » Il peut sembler curieux que dans les Béatitudes Jésus nous présente une succession bizarre des situations bien étranges de la vie. Mais si on les regarde avec une attention toute particulière nous pouvons repérer une échelle spirituelle de progression par laquelle il nous faut passer pour approfondir notre vie intérieure et notre vie avec Dieu, notre vie avec nous-mêmes et avec les autres. La sagesse de Dieu est la logique de l’amour et on sait bien que l’amour échappe à tout raisonnement. Ce qui semble raisonnable aux yeux des êtres humains est souvent bien loin du projet de Dieu, et inversement, ce qui est sage aux yeux de Dieu paraît tout autant déraisonnable aux êtres humains. Cela juste pour nous dire que Dieu est libre et c’est lui qui est à l’origine de la vie, c’est lui qui nous fait le don de la vie.
Adopter une attitude
Pour comprendre cette sagesse de Dieu nous sommes invités à adopter une attitude toute particulière avec laquelle on est invité à vivre ce cheminement. Il s’agit de l’humilité. L’humilité n’a rien à voir avec l’humiliation. Être humble, c’est se reconnaitre tel qu’on est : ne par s’imaginer que nous sommes des « sur-humains » mais non pas non plus sous-estimer la grandeur de notre vocation. Être humble c’est reconnaître que Dieu nous fait le don de la vie et la recevoir avec révérence. C’est cela que veut dire « les humbles du pays » (en hébreu les « anawim », littéralement les « courbés ». Ce sont les gens qui ne perdent pas confiance envers le Seigneur et cela demande une conversion de notre être : se reconnaître tels que nous sommes et cela n’est pas facile. Dans le mot « humble » il y a la racine « humus », terre. Les humbles, ce sont ceux qui savent de quoi ils sont pétris, et ils attendent tout de Dieu. Comme nous le dit saint Paul : « Celui qui veut être fier, qu’il mette sa fierté dans le Seigneur ».
Pour être heureux le chemin est simple en quelque sorte : nous sommes invités à reconnaître avec humilité notre enracinement en Dieu, et tout simplement marcher sur le chemin de vie. « Heureux », ce mot qu’André Chouraqui traduisait « En marche », sous-entendu : « Tu es bien parti. Le Royaume peut
s’approcher de toi. »
P. Édouard Shatov, a.a.
Se convertir sur le chemin de l’unité
22 janvier 2017 3e Dimanche A – Matthieu 4, 12-23
Lectures de ce jour
Les textes bibliques de ce dimanche nous présentent un Dieu qui vient pour unir son peuple. Dans la première lecture le prophète Isaïe annonce que les territoires païens vont bénéficier, eux aussi, du salut que le Seigneur prépare. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Sur les pays des habitants de l’ombre, une lumière a resplendi. »
Dans l’évangile, Jésus entreprend sa première évangélisation. Tout commence loin de Jérusalem, en plein cœur d’un monde païen où l’on ne cesse de s’affronter et de se diviser. Sa priorité va donc vers ceux qui sont le plus loin de Dieu, ces terres maudites, terres de péché et de ténèbres. Il vient habiter à Capharnaüm ; cette ville qui évoque le plus sombre désordre.
Jésus choisi ces territoires païens parce qu’il cherche à le remmener à lui. Capharnaüm est le « carrefour des païens », où circulent caravanes de toutes nations et races. Prophète de la lumière et d’unité, Jésus vient spontanément pour éclairer le pays de l’ombre.
Déjà, cette attitude de Jésus nous renvoie à nous-mêmes pendant cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Cette attitude de Jésus nous lance un défi. Son attitude nos question : Restons-nous frileusement repliés sur nos milieux chrétiens ? Ou nous rendons-nous là où Jésus nous précède, au « carrefour » des gens de notre temps ? Il nous faut aller à la rencontre de l’autre ; aller vers ceux et celles qui sont différents de nous. Rejoindre les autres là où ils vivent, pour leur annoncer l’évangile, dans leur culture et leur foi ?
Aussi, pendant cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, l’appel de St Paul à la communion des cœurs retentit de manière singulière. St Paul nous invite à l’unité, et il est claire dans ces mots. Point n’est besoin de dire j’appartiens à tel, ou bien J’appartiens à tel autre. St Paul souligne ainsi que certaines divisions proviennent d’un attachement trop fort voire exclusif à une personne particulière, ou à une tradition. Il nous met en garde contre le risque de s’attacher plus aux structures humaines au lieu de s’attacher au Seigneur Jésus.
Devenir chrétien, c’est s’attacher à la personne du Christ, le suivre sur le chemin de l’unité comme le seul véritable maître. Le Christ n’est pas divisé. Seul le Christ a été crucifié pour nous. Toute autre personne ou toute tradition ne sont que des intermédiaires, des médiations, pour que le croyant soit introduit dans une relation personnelle et vivante avec la personne de Jésus.
Ce matin, Jésus s’adresse à nous. Il reprend la prédication du Baptiste : « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est proche. » Changez vos cœurs, transformez vos manières d’agir. Laissez Dieu vraiment guider vos vies.
Spontanément, nous ne sommes pas tournés vers Dieu ni vers les autres. Nous sommes naturellement centrés sur nous-mêmes. La société ne s’améliorera en profondeur que si je commence à me changer moi-même.
La question à se poser ce matin c’est celle-ci : Quelle est la conversion concrète que Dieu me demande en ce moment, dans ma famille, dans mon entourage, dans ma vie ? Jésus nous appelle ce matin. Il nous demande de quitter nos conforts. Jésus a quitté la tranquillité de son Nazareth. Pierre, André, Jacques et Jean ont laissé barques, filets et père pour aller à la suite de Jésus. Ils nous donnent l’exemple à suivre. Nous sommes appelés nous aussi à quitter, à aller vers l’autre, vers l’inconnue pour vivre l’unité. L’Esprit nous invite tous à participer à une nouvelle évangélisation. Demandons cette grâce au Seigneur.
P. Bernard Musondoli, a.a.
Voici l’Agneau de Dieu
15 janvier 2017 2e Dimanche A – Jean 1, 29-34
Lectures de ce jour
C’est lui !
Le voici ! L’homme qui vient vers lui, dont Jean est le cousin, porte une identité qu’il ne connaissait pas. Il la découvre à l’instant. Elle lui est révélée. « L’homme sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est celui-là qui baptise dans l’Esprit Saint ! »
Une identité révélée
Le Baptiste en est bien conscient. Il dit ce qu’il perçoit, sachant que par lui-même, il ne connaîtrait pas cette identité. Par deux fois, il le répète : « Je ne le connaissais pas. » Mais l’homme est là devant lui et s’offre à nos regards alors que Jean s’écrie : « C’est lui » le Messie attendu, qui accomplit les Écritures. C’est lui surtout « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » et « le Fils de Dieu. »
Enlever le péché du monde !
Nécessité urgente, œuvre considérable ! Le mal n’a-t-il pas commis déjà trop de ravages ? L’humanité n’a-t-elle pas déjà trop souffert des misères causées souvent par ses propres façons de faire ? Ne serait-il pas temps que tout cela s’arrête ! Mais la parole de Jean désignant le Sauveur est-elle bien entendue dans toute sa profondeur ? L’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde est-il pris au sérieux ? L’être humain en général et une part de nous-mêmes ne croient-ils pas surtout qu’ils conduisent leur vie sans produire le mal ? À moins que nous prenions notre parti de tout le mal du monde, découragés, désespérés d’en sortir ? Face à la Parole révélée, sommes-nous stimulés ou restons-nous sans réactions, indifférents, incrédules ?
La parole signifie-t-elle qu’il ne restera plus de péché dans le monde ? Le péché : les actes, les attitudes, les pensées qui tuent la relation, qui séparent, divisent, dominent, détruisent l’amour. Jésus de Nazareth supprime-t-il ce comportement nocif et rend-il l’homme qui génère le péché, capable d’une autre façon de vivre ? Enlève-il de son cœur ce qui produit le mal sous de multiples formes ? Peut-il la rendre meilleure en enlevant d’une vie la tendance qui engendre la déchirure, blesse ou détruit la relation ?
Quelle est ma conviction ?
L’occasion m’est donnée aujourd’hui de bien me situer devant celui que Jean appelle « l’Agneau de dieu ». Dans ma prière, je peux lui faire la demande d’enlever mon péché puisque c’est sa mission de me délivrer des germes du mauvais. Si ce n’était à lui à qui pourrais-je m’adresser, si je ne souhaite un tant soit peu purifier ma vie ? À qui d’autre pourrai-je demander de me sortir du mal qui partout sévit, mais qui trouve son origine à l’intérieur de moi, comme dans le cœur des autres ?
À qui ?
À personne peut-être ? Peut-être ne puis-je compter que sur moi ? À moins que, ne voyant que le mal sévir autour de moi, il me manque la conscience de sa prolifération à l’intérieur de moi aussi ? Si le Christ n’est pas plus reconnu comme Dieu à l’œuvre pour tuer le péché, cela ne vient-il pas de ce que, simplement, l’on ne se perçoit pas soi-même comme producteur du mal ?
Se sentir pécheur
En souffrir et vouloir en sortir, même si nous avons l’impression d’être aussi bons que d’autres ! Nous sentons-nous prêts à être libérés, à accepter qu’il fasse du ménage à l’intérieur de nous-mêmes, qu’il montre où sont nos manques et nos comportements erronés ? Qu’il m’amène à le prendre comme seule référence, à lui faire confiance de façon radicale, à me laisser conduire en ce monde douloureux, comme l’Agneau qu’il est, lui-même sans péché, capable de purifier ceux et celles qui, en y consentant, lui donnent toute leur foi L’agneau que nous présente Jean n’enlève le péché qu’aux humains consentants qui se savent pécheurs. L’Agneau de Dieu déchire notre ignorance et dessille nos yeux afin que nous voyions notre vie en vérité.
Voici l’Agneau de Dieu…
Ai-je bonne conscience ? Accepterai-je le changement ?
C’est lui !
Et moi, qui suis-je ?
Fr. Christian Blanc, a.a.
Une fête qui redéfinit les relations. L’Épiphanie !
8 janvier 2017 Épiphanie – Matthieu 2, 1-12
Lectures de ce jour
« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » Cette question des mages bouleverse le roi Hérode. Ils arrivent d’Orient, guidés par une étoile pour se prosterner devant le roi qui vient de naître. Ce qui est bouleversant n’est forcément pas la naissance de ce roi ni le lieu de sa naissance ni la circonscription où s’exercera son règne. Les Écritures l’annonçaient déjà : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. » Cette prophétie est confirmée par les grands prêtres et les scribes. On peut dire que le peuple s’y attendait.
Si tel est le cas, il convient de lire autrement le bouleversement du roi Hérode. Sa manière de réagir face à la parole des mages autorise la lectrice ou le lecteur à chercher le sens ailleurs que dans la concurrence, la compétition ou le conflit des pouvoirs. Car Israël attendait ce roi depuis longtemps.
Par ailleurs, l’arrivée de ce roi, bien qu’attendu, échappe au contrôle de tout le monde. Ni les grands prêtres, ni les scribes, ni le roi Hérode ne sont au courant de sa naissance. Le comble de tout cela est d’apprendre la nouvelle par les mages, les astronomes venus d’Orient… Ces mages n’ont rien à voir avec la promesse attendue par Israël. Hérode fut donc bouleversé ainsi que tout Jérusalem…
Tout leur échappe et Hérode perd le « contrôle ». C’est à ce niveau, estimons-le, que ce récit de l’Épiphanie représente un tournant décisif pour la personne qui lit. En fait, le roi Hérode tel qu’on peut le lire dans son attitude, exerçait son pouvoir par la maîtrise ou le contrôle parfait de sa juridiction. Rien ne semble lui échapper. C’est dans cette attitude qu’il va même s’adresser aux mages : Il les convoque en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue. Il va même leur demander d’aller se renseigner avec précision sur l’enfant puis de lui revenir ». Il est le Maître !
Cette quête obstinée de la maîtrise, de la précision et du contrôle inscrit Hérode dans les relations de sujet-objet. Tout le monde doit dépendre de lui, même les mages, même l’étoile. Ces types de relations, on ne le dira jamais assez, sont étouffantes et mortifères. Elles aboutissent à la mort : le massacre de Bethléem : « alors Hérode voyant qu’il avait été joué par les mages, entra en grande fureur et envoya tuer tous les enfants de Bethléem et de tout son territoire, depuis l’âge de deux ans et au-dessous, selon le temps qu’il s’était fait préciser par les mages » (Mt 2, 16).
Hérode n’avait plus de contrôle sur la naissance du roi, ni sur les mages. Tout lui échappe. Le manque de contrôle, de maîtrise et de précision va donc entraîner la mort ! En d’autres termes, les relations binaires, les relations de « Je-tu », tuent parce qu’elles étouffent l’autre.
C’est à ce niveau que la fête de l’Épiphanie vient redéfinir les relations tout en les ouvrant à la vie. La vie surgit grâce à un troisième acteur : la voix dans le songe. Il n’y a plus Hérode et les mages en polarité. Il y a aussi cette voix en songe : Ne retournez pas chez Hérode, mais prenez un autre chemin. Autrement dit, ne retournez pas dans les relations de la mort, mais ouvrez-vous à la vie…
Cette vie est possible en dehors de tout contrôle. Elle est donnée dans l’inouï, dans l’invisible, dans le songe. L’Épiphanie n’est donc rien d’autre que la fête de la vie… La fête qui redéfinit les relations qui font vivre l’autre. Les relations ternaires, les relations en « je-tu-il », les relations d’adoration, d’émerveillement devant l’enfant de Noël.
Fr. Gaston Mumbere, a.a.
Le chemin de la grâce et de la paix !
1er janvier 2017 Sainte Marie, Mère de Dieu – Luc 2, 16-21
Lectures de ce jour
La grande fête de Marie, Mère de Dieu, est aussi la Journée de Prière pour la Paix. A première vue ce sont deux réalités qui vont en parallèle, sans rien avoir en commun, mais si on les regarde de plus près nous pouvons découvrir le lien qui les unit inséparablement. Ce que Marie, comme la Journée de la paix, nous fait découvrir – c’est la proximité de notre prochain et de toute l’humanité qui nous sont unis tous les deux.
Être proche
L’Évangile de saint Luc au chapitre 2 nous livre à ce sujet un récit qui n’est pas anecdotique mais profondément « théologique ». Ce qui veut dire que tous les détails comptent. Tout d’abord, les bergers : c’étaient des gens peu recommandables, des marginaux, car leur métier les empêchait de fréquenter les synagogues et de respecter le sabbat. Or ce sont eux qui sont les premiers prévenus de l’événement qui vient de bouleverser l’histoire de l’humanité ! Et ils deviennent de ce fait les premiers apôtres, les premiers témoins : ils racontent, on les écoute, ils étonnent ! Cet événement nous fait comprendre que Dieu n’est pas loin et qu’il a un regard préférentiel pour les pauvres, les marginalisés et les « petits ». Pourquoi ? Parce que pour défendre la dignité humaine les puissants ont des moyens, les pauvres n’ont que Dieu comme Défenseur, et Dieu ne se fait pas loin d’eux. Au contraire Dieu se fait proche. C’est cela que Luc essaye de nous dire. « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. »
Accueillir la Vie
La ville de David dont nous parlent l’évangéliste Luc et l’ange dans son Évangile n’est que le petit village de Bethléem : tout le monde le savait à l’époque, c’est la ville qui devait voir naître le Messie, dans la descendance de David. Bethléem, c’est aussi la ville dont le nom signifie littéralement « la maison du pain » et le nouveau-né est couché dans une mangeoire : belle image pour celui qui vient se donner en nourriture pour l’humanité. Le nom de l’enfant, nous révèle aussi révèle aussi son mystère : « Jésus » signifie « Dieu sauve » et si (à l’inverse de Matthieu) Luc ne précise pas cette étymologie, il a, quelques versets plus haut, rapporté la phrase de l’ange « Il vous est né un Sauveur » (Lc 2, 11). Tout cela probablement pour nous dire que Dieu veut se rendre tellement proche qu’il se fait nourriture. Aujourd’hui, comme hier d’ailleurs, on prête beaucoup d’importance à la nourriture pour maintenir notre corps en santé. Alors, voici que pour maintenir en nous l’impérissable héritage de la présence divine en nous et nous donner la santé – c’est le sens littéral du mot ‘Salut’ – de tout notre être, Dieu se fait le pain de notre vie quotidienne.
Prendre du temps
Pour accueillir ce don et pour manger, voire digérer, ce pain de vie il nous faut du temps, du recueillement et du silence. « Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » A l’inverse des bergers que l’événement rend bavards, Marie contemple et médite dans son cœur. Voila, ce que nous sommes invités à faire : Retenir et méditer ! Nous sommes invités à nous plonger dans les paroles de Jésus, dans la Parole qui est Jésus lui-même. Comment se dire chrétiens si on n’a jamais lu les Évangiles, si on ne les médite pas comme une parole vivante et vivifiante ? Saint Jérôme affirme sans ambages : « Ignorer les Écritures c’est ignorer le Christ. » La lecture des Écritures n’est autre qu’une écoute ; il ne s’agit pas de retenir des phrases, mais d’entendre comment le texte résonne au fond de soi et de tâcher d’y réponde par une méditation prolongée, un silence de gratitude, une action. C’est cela, accepter la terrible responsabilité de solitude que Marie nous invite à vivre!
Enfin, on ne peut s’empêcher de remarquer la discrétion du personnage de Marie, alors même que cette liturgie lui est dédiée sous le vocable de « Marie, Mère de Dieu ». La discrétion de Marie se résume en cela : être proche, accueillir la vie et prendre du temps, C’est aussi un message pour nous qui nous indique le chemin de la Paix véritable et durable. La gloire de Marie, c’est justement d’avoir tout simplement accepté d’être la Mère de Dieu, d’avoir su se mettre tout entière, humblement, au service de l’accomplissement du projet de salut de Dieu ; elle n’est pas le centre du projet ; le centre du projet, c’est Jésus, celui dont le nom signifie « Dieu sauve ». C’est une invitation aussi pour chacun et chacune d’entre nous !
P. Édouard Shatov, a.a.
Une fête qui célèbre la Parole !
25 décembre 2016 Nativité du Seigneur – Jean 1, 1-18
Lectures de ce jour
Au commencement était la Parole… C’est le texte que nous propose la liturgie en ce jour de Noël. Il s’agit des 18 premiers versets du premier chapitre de l’Évangile selon saint Jean appelés aussi « prologue de saint Jean ». Je parie qu’il est plus ou moins familier pour plusieurs. Il est l’objet des plusieurs études théologiques et même philosophiques. Il intéresse l’art mais aussi la poésie. C’est donc un texte tellement connu que certains arrivent même à le réciter par cœur. Et, c’est aussi à ce texte qu’on se réfère souvent lorsqu’on traite du dogme ou du mystère de l’Incarnation.
On ne peut trouver mieux que ce prologue de saint Jean pour assoir solidement le mystère de l’Incarnation. Tout y est : à tous ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, le Verbe a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu (Verset 12). Si tel est le cas, le dogme de l’Incarnation fait participer les humains à la nature divine. Et pour aller plus loin, le Verbe s’est fait chair pour sauver, tout en réconciliant avec Dieu. Ce Verbe est notre modèle de sainteté, lui qui a assumé la nature humaine et qui accomplit en elle notre salut.
Par ailleurs, à quelles conditions ce mystère serait-il « signifiant » pour les femmes et les hommes qui célèbrent Noël aujourd’hui ? Autrement dit, comment et dans quelles avenues le bébé de la mangeoire devrait-il déplacer les humains ? C’est dans cette question du « comment » que peut surgir, nous semble-t-il, de la lumière ou du sens que porte le contenu du mystère de l’Incarnation.
Le « comment », en effet, autorise à suivre le mouvement de la Parole. Cette Parole ne s’est pas contentée de son statut du « commencement ». Elle est plutôt advenue chair. Et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité (Verset 14). Autrement dit, une parole toute seule n’est pas parole, elle n’a pas de sens. À quoi ça sert un verbe sans chair ? Il faut dire que la parole se réalise et devient vraiment parole lorsqu’elle habite l’autre en toute vérité tout en l’engendrant à la vie : En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes (Verset 4).
L’engendrement à la vie… C’est dans ce sens que la Parole est célébrée en cette fête de Noël. Cette fête souligne le mouvement de la Parole du Commencement tout en s’émerveillant devant la vie incarnée tissée des paroles de vérité. La fête de Noël devient finalement la célébration de la Parole et des paroles incarnées et enracinées dans la vie.
Quel que soit son contenu religieux, politique, ou économique, la parole achoppe lorsqu’elle parle tout seul, c’est-à-dire coupé de toute vie. Noël est remarquablement une fête d’Incarnation, du concret. Sa magie, s’il y en a une, consiste dans la réalité de vie loin des « beaux discours », des belles réflexions spéculatives qui parlent et qui étouffent par ses propres mots.
Le propre de la Parole est de prendre chair, de s’incarner, d’engendrer à la vie, de parler du lieu de la souffrance de chaque humain quel qu’il soit. Cette trajectoire de Parole diffère alors des discours même bien articulés mais qui parlent sur la souffrance, sur la justice, sur la paix, sur le respect de la constitution, etc. Le parcours du Verbe fait chair appelle plutôt aux paroles qui engendrent à la vie et que la fête de Noël célèbre par la naissance de ce Fils qui habite parmi les humains.
Tout compte fait, ce prologue de saint Jean met à la disposition du lecteur et de la lectrice une fête de Noël qui honore la Parole et les paroles des vies. Ces paroles ne sont pas des « belles paroles », ni des « beaux mots ». Elles sont paroles de vies incarnées qui émanent d’ailleurs. Et c’est parce qu’elles émanent d’ailleurs qu’elles ne peuvent pas étouffer. La relation à l’Autre ou la relation décentrée dont témoigne de la Parole qui s’incarne ne peut que célébrer la vie. Ainsi, Noël célèbre la Parole dans la mesure où nos paroles n’étouffent pas l’autre… Noël c’est cette fête qui fait vivre l’autre.
Fr. Gaston Mumbere, a.a.
La Vierge sera enceinte
18 décembre 2016 4e Dimanche de l’Avent – Mt 1, 18-24
Lectures de ce jour
Dieu entre dans nos histoires : La Vierge sera enceinte
Nous sommes à une semaine de Noël. Dieu nous rejoint au cœur de notre vie. C’est question de l’action de Dieu, de comment Dieu peut entrer et agir dans nos vies humaines. Cette venue du sauveur était déjà annoncée par le prophète Isaïe. Dans la première lecture, le roi de Juda, Achaz, est dans une situation inextricable. Ses ennemis des royaumes du Nord, de Samarie et de Damas, sont prêts à envahir son pays. Par ailleurs, il n’a pas d’héritier. Donc, pour lui, de lourds nuages s’accumulent à l’horizon.
C’est alors que Dieu envoie son prophète Isaïe pour lui dire : « Demande un signe ». Or, Achaz est un incroyant. Il dit : je n’ai pas besoin de signe. Et Isaïe lui dit avec force : Le Seigneur lui-même vous donnera un signe. La jeune femme enfantera, elle mettra au monde un fils et on l’appellera Emmanuel, ce qui veut dire « Dieu-avec-nous ». L’horizon d’Achaz était bouché, et voilà que malgré son incroyance, Dieu fait irruption dans sa vie pour lui ouvrir un avenir : il aura un héritier, et Dieu sera avec lui.
Le texte de l’évangile nous donne d’entendre le récit de ce que l’on pourrait appeler l’Annonciation à Joseph. Pour Joseph également, l’horizon était bien bouché quand il s’est aperçu que sa fiancée Marie était enceinte. La conclusion s’impose comme une douloureuse évidence : Marie a trompé son époux ; elle a commis un péché d’adultère et il paraît juste à l’humble charpentier de Nazareth de s’en séparer légalement par un acte de répudiation.
Joseph se demande ce qu’il va faire, lui qui avait fait des rêves d’avenir avec cette jeune fille. Et voilà que Dieu va faire irruption dans sa vie pour lui dire : « N’aie pas peur ». Dieu lui ouvre un avenir infiniment plus beau que tout ce qu’il aurait pu imaginer. Parce que l’enfant que Dieu lui confie, c’est Jésus, nom qui signifie « Dieu-sauve ». C’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. Et vraiment, Joseph aura là un signe éclatant que Dieu est avec nous. Cet enfant, c’est l’Emmanuel. L’horizon était fermé ; Dieu ouvre un avenir heureux.
L’histoire d’Achaz, comme celle de Joseph sont des histoires typiques de ce que Dieu nous offre dans la vie. Nous avons peut-être des situations similaires où nous nous sentons bloqués. Dieu ouvre nos histoires, il nous donne de quitter un chemin tout tracé, que nous voulons corriger selon nos forces, pour entrer dans un chemin inédit, qu’il nous propose en nous appelant par notre nom. « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse ». Pour cela, Dieu s’adresse à nous au plus profond de chacun de nous, à une profondeur où nous n’avons pas accès par nos seules forces.
La question qui se pose à nous, comme à tous les peuples depuis le début de l’humanité, c’est : est-ce que Dieu est vraiment avec nous ? Est-ce que nous pouvons compter sur lui ? Achaz lui a répondu : absolument pas. C’est aussi la même tentation qui nous arrive. Parfois nous oublions cette présence de Dieu dans nos vies ; surtout lorsque les choses tournent mal. Et pourtant il est là.
L’Écriture, aujourd’hui, nous répond : Dieu, c’est Dieu-avec-nous. Et c’est ce que nous allons célébrer à Noël. Un commencement. Dieu a commencé d’épouser notre condition humaine en prenant chair dans le sein de Marie. En Jésus, Dieu est présent dans nos vies. Dieu s’est rendu solidaire des petits, de ceux qui pleurent, de ceux qui sont écrasés, des malades et des exclus. Si aujourd’hui nous vivons dans une société qui nous impose un éloignement de Dieu, souvenons-nous que : « Dieu est avec nous ».
P. Bernard Musondoli, a.a.
Est-il Celui que nous attendons ?
11 décembre 2016 3e Dimanche de l’Avent – Mt 11, 2-11
Lectures de ce jour
Du fond de sa prison, Jean Baptiste s’interroge. Il envoie ses disciples demander à Jésus “Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »
La question de Jean Baptiste
“Devons-nous en attendre un autre ?” On peut deviner l’origine de ses questionnements. Jean vivait au désert en ermite. Les foules venaient à lui. Il dénonçait avec vigueur les péchés de son peuple et brandissait la menace du jugement, n’hésitant à traiter les foules d’ “engeance de vipères”.
Jésus adopte un style différent. Il partage la vie de la population, prêche de village en village. Il accueille tout le monde, y inclus des pécheurs publics: Zachée, la Samaritaine, la femme adultère, etc. Certaines paraboles, la brebis perdue, le fils prodigue, etc. révèlent un Dieu plein de miséricorde.
Et nous, qu’attendons-nous ? Un leader fort, qui, à la manière de Jean Baptiste dicte ce qu’il faut faire et croire ? Ou quelqu’un qui, comme Jésus, révèle l’amour d’un Dieu-Père et invite à la liberté ?
La réponse de Jésus
Aux envoyés de Jean, Jésus répond :
“Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.”
Ces passages du prophète Isaïe décrivent les signes de la venue du Royaume et de l’action du Messie. Les gestes de compassion posés par Jésus, guérisons et autres, signifient que la Bonne Nouvelle, est effectivement annoncée aux pauvres. Leur situation commence à changer. Car Dieu prend le parti des faibles et des victimes de l’injustice.
Voilà la Bonne Nouvelle : en la personne de Jésus, Dieu est présent et transforme déjà le monde. Jésus pousse ses disciples à faire comme lui, à s’investir dès maintenant pour créer un monde nouveau. Pour cela il s’identifie à celui qui a faim, soif, etc., (cf. parabole du Jugement dernier, Mt 25), pour motiver ses disciples à enrayer toutes les formes de misère.
Notre réponse
Dans nos vies surchargées, agitées, nous risquons d’être totalement accaparés par l’instant présent, comme ces personnes qui se donnent beaucoup de mal durant le temps des fêtes : repas à préparer, cadeaux, visites, etc… et qui soupirent intérieurement pour que cela soit passé.
L’Avent nous invite à réfléchir, avant que les fêtes soient passées, avant que nos vies soient passées. Le doute et les questions peuvent traverser notre esprit comme ce fut le cas pour Jean Baptiste. Questions salutaires. Elles nous obligent à rétablir notre échelle de valeurs et à mettre notre confiance en Dieu, comme de vrais pauvres.
Aider quelqu’un à voir le sens de sa vie, c’est lui redonner la vue. Encourager un autre à marcher malgré les épreuves, c’est faire marcher un boiteux. Soutenir la personne déprimée c’est la ressusciter.
Le Royaume met du temps à venir, c’est pourquoi l’apôtre Jacques invitait à la patience. Ouvrons les yeux et nous verrons tant d’hommes et de femmes qui redonnent la vue, qui font marcher ou même ramènent à la vie. Réjouissons-nous ! Nous ne sommes pas seuls à faire advenir un monde nouveau, à préparer le retour glorieux du Christ. Les malheurs qui frappent notre monde, en Syrie au Congo ou ailleurs, ne doivent pas nous décourager.
Réjouissons-nous ! La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.
P. Marcel Poirier, a.a.
Proclamer dans le désert !
4 décembre 2016 2e Dimanche de l’Avent – Mt 3, 1-12
Lectures de ce jour
Il est quand même étonnant que Jean le Baptiste commence son action évangélique dans le désert : « une voix proclame dans le désert : convertissez-vous, car le royaume des cieux est tout proche ». Parler dans le désert ! N’est-ce pas là une expérience d’échec. Une expérience qui témoigne de la non-réception de la parole. Parler dans le désert veut couramment dire que la parole de l’autre n’est pas entendue. « Cause toujours ! ». Dans ce sens, « le parler dans le désert » ne trouve pas d’écho chez l’autre qui est supposé entendre. Et lorsque la parole ne trouve pas une terre fertile pour sa réception, elle souffre. Et dans ce cas, elle n’en est pas une. Une parole sans écoute, une parole toute seule n’a pas de sens. Car la parole devient vraiment parole lorsqu’elle atteint la chair, la vie de celle qui l’écoute. La parole construit une interaction…
En considérant ce qui vient d’être dit, à quoi bon parler dans le désert ? À quoi parler dans le désert serait une bonne nouvelle à la suite du Christ ? Ce n’est certainement pas gratuit que Jean le Baptiste inaugure sa prédication dans ce lieu aride. En outre, il est mal habillé. Il porte un vêtement de poils de chameau. Rien à lui envier. Il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage. C’est dans ce paysage ainsi dépeint que tout commence : retournez-vous, car le royaume des cieux est tout proche. Justement, il est question de se retourner et de voir autrement ce désert. Jean le Baptiste parle à partir de ce lieu aride, lieu du manque, où il n’y a que la « parole » essentielle pour entrer en relation avec d’autres.
Oui, le désert existe matériellement. Mais il est surtout une figure du manque capable de tisser des relations vraies. Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui. Le vide du désert a permis un déplacement vers Jean le Baptiste. Ce genre d’engouement, mieux, des relations se feraient difficilement en pleine ville où le vide, le manque est presque supprimé. Il n’y a que celui ou celle qui a les mains vides qui puisse recevoir, et entrer en relation.
Parler à partir du désert devient évangélisateur lorsque ce lieu permet d’entrer en relation avec l’autre. L’autre avec qui j’entre en relation s’inscrit dans le vide qui lui est offert sans jamais le remplir. Il n’est pas étouffé car la rencontre se passe dans le désert, dans ce lieu du manque. À la place de l’étouffement se trouvent des relations de retournement : Et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés. Ce baptême intervient presqu’au terme d’une démarche initiée à partir du maque.
L’attitude, la manière d’occuper l’espace par Jean le Baptiste est fondamentalement évangélisatrice avant toute sorte de contenu ou sacrement qu’on aime trouver dans ce récit. Parler à partir du désert est comparable à quelqu’un qui se décentre jusqu’à laisser place à ce qui compte : les relations. Il s’agit des relations de vie, parce qu’elles ne prennent pas toute la place. Elles ouvrent en direction du souffle : Moi je vous baptise dans l’eau, en vue du retournement. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi… il vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
Jean le Baptiste aurait pu se nourrir et se remplir de cet engouement… Et dans le cas, il n’y aurait plus d’espace pour respirer, pour se déplacer, ou pour entrer en relation. En orientant vers Celui qui vient derrière lui, Jean le Baptiste garde présente la figure du désert, du vide, du manque. C’est la figure du décentrement qui empêche de se remplir et de remplir des autres des formulaires ou des mots, qui finalement étouffent ou asphyxient.
Tout compte fait, la bonne nouvelle, l’heureuse annonce que nous sommes invités à vivre avec d’autres commence avec notre décentrement exprimé par la figure du désert. Retournons-nous car à nos côtés se trouvent des humains en attente de relation et d’amour.
Fr. Gaston Mumbere, a.a.
L’Éveil de L’Être
27 novembre 2016 1er Dimanche de l’Avent – Luc 23, 37-44
Lectures de ce jour
Dans ce vingt-quatrième chapitre de son Évangile, Matthieu nous parle de la venue du Fils de l’Homme, qui est déjà venu et qui va venir. En fait, Matthieu nous parle de la venue, de la présence de Jésus dans l’histoire et dans la plénitude de l’accomplissement de l’Histoire. Qu’est ce que cela veut dire, au juste, la venue du Fils de l’Homme ?
Ordinaire extraordinaire !
Ce chapitre de son Évangile Matthieu nous l’a écrit, non pas pour nous faire peur, mais pour nous éclairer. Quand Jésus nous dit quelque chose, c’est toujours pour nous révéler le dessein bienveillant de Dieu, ce ne peut pas être pour nous effrayer. Première chose à entendre dans ce passage : « Vous ne connaissez pas le jour où votre Seigneur viendra. C’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’Homme viendra ». Quand Jésus prend l’exemple de Noé il nous rappelle qu’à l’époque de Noé, personne ne s’est douté de rien. Cela veut dire que l’avènement de l’extraordinaire, la venue du Fils de l’Homme, se produira dans l’ordinaire, le quotidien de notre vie, là où on ne se doute de rien. Ce que Jésus nous invite à entendre, c’est que notre vie de tous les jours est la scène de notre salut. Ce qu’il faut retenir donc, c’est que le Fils de l’Homme vient d’abord pour nous sauver.
Changer le regard !
Pour cela il faut adopter une attitude particulière : l’attitude des veilleurs. Jésus nous invite à veiller. Il faut sortir du sommeil dans lequel nous sommes plongés très souvent dans le quotidien de notre vie. Tant d’occupations qui sont nécessaires : manger, boire, se marier, mais qui peuvent nous faire perdre l’objectif premier de notre vie : retrouver la communion la plus intime avec Dieu et avec les autres. Il faut changer notre regard sur la vie : sur Dieu, sur nous-mêmes et sur les autres. C’est sûrement cela qu’entend saint Paul dans sa lettre aux chrétiens de Rome : « L’heure est venue de sortir de votre sommeil. Rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le combat de la lumière ». Voilà l’élément essentiel de notre vie, c’est-à-dire la lumière de Dieu qui est déposée à l’intérieur, au plus profond, de chacun et chacune d’entre nous. Cette lumière, c’est la présence de Jésus lui-même ! Comme baptisés nous avons revêtu le Christ. Cela aussi veut dire que nous sommes invités à reconnaître que le combat de la lumière n’est pas juste notre combat, mais celui du Christ en nous.
La possibilité de l’Impossible !
Toutefois, la veille à laquelle Jésus nous invite n’affecte pas juste nos pensées, mais aussi notre comportement. Nous sommes invités à faire des choix, qui peuvent devenir un véritable combat. Si Jésus nous parle de Noé, c’est aussi peut-être pour nous rappeler que Noé a fait des choix. Noé a été estimé juste, or la justice c’est précisément le discernement entre ce que porte au Bien ou non, et finalement le choix en faveur du Bien. Ce n’est ni facile ni évident ! La possibilité de faire un tel discernement est la grandeur même de notre dignité humaine. Et si je comprends bien saint Paul, en lisant sa lettre aux chrétiens de Rome, notre conduite quotidienne, où un tel choix s’opère, est de la plus haute importance. Nous sommes invités à réveiller un nous ce don qui est déposé en chacun et chacune d’entre nous. Nous sommes invités à croire, tout simplement, que le projet de Dieu pour l’humanité est bienveillant et que tout être humain est capable du Bien. Nous ne sommes pas prisonniers de la méchanceté, de la jalousie et de la violence. De nos épées nous pouvons forger des socs, et de nos lances, des faucilles.
Comme nous dit Matthieu, il faut juste nous réveiller. Il faut juste veiller sur ce plan bienveillant de Dieu. Et parce que nous ne sommes pas seuls, Dieu nous invite à croire que là où il y a un peu de lumière, les plus grandes ténèbres peuvent êtres dissipées.
P. Édouard Shatov, a.a.