BILLET ÉDITORIAL, dimanche 24 septembre 2023
Monique Lortie, MA phi
Une petite expérience tout à fait appropriée à ce début d’automne : s’installer sur une chaise, ou un fauteuil… et attendre. Attendre sans rien faire.
Pour attendre quoi ? Pour attendre l’automne.
J’ai été frappée, tout l’été, par le fait que nous vivons dans le temps et que, comme le dit si bien saint Augustin : je sais ce que c’est que le temps, mais je n’arrive pas à le dire. Passé, présent, futur ; je veux bien. Mais le passé est ce qui n’existe plus. À jamais.
Le présent, lui, file dans le néant du passé sans que l’on n’y puisse rien.
Nous reste donc le futur. Or, par définition, le futur n’est jamais là, il faut toujours l’attendre.
Mais nous savons qu’il viendra !
C’est ainsi qu’aujourd’hui, aujourd’hui, nous sommes comme condamnés à attendre l’automne. Nous savons qu’il viendra ; l’attente aurait donc un sens ?
Attendre sans rien faire, sinon ce serait pure distraction : quand l’automne viendra, on ne le verra pas, on ne le savourera pas, distraits que nous serons à faire autre chose « en attendant ».
Ne perdons-nous pas toute notre vie à « faire autre chose en attendant » ? C’est peut-être que nous ne savons pas attendre ! C’est peut-être que nous n’attachons pas vraiment de valeur à ce qui est encore du domaine du futur.
Ou que nous ne savons pas désirer : « tout désir est désir de quelque chose » nous dirait le philosophe. Je crains que nous ne désirions que ce qui est sous notre nez, ce qui goûte bon, ce qui sent bon, ce qui nous fait rire, ce qui nous excite ici et maintenant. En somme, pour plusieurs d’entre nous, le futur, c’est rien ! Rien ?
Notre religion catholique nous incite à désirer le ciel. Or nous sachant ici sur la terre, et qu’il faille mourir pour aller au ciel, nous savons que le ciel, pour nous, est du domaine du futur. Savons-nous bien le désirer ? Savons-nous quoi faire, et surtout quoi ne pas faire, en attendant ?
En somme, il faut savoir attendre, il faut, je crois, apprendre à attendre : « ne pas agir, être sûr de l’issu », nous dit le philosophe français, Roger-Pol Droit.
Attendre l’automne est un bon exercice : nous aimons l’automne. L’attendre sans se distraire, ne serait-ce pas, en même temps, un bon exercice pour apprendre, de la même façon, à attendre le bonheur ? Nous aimons le bonheur. Le bonheur qui n’est plus, dès lors, seulement un mot mais un vrai désir, d’une vraie réalité. Être sûr de l’issu, encore là.
J’oserais dire que le futur, alors, ne sera pas le Vide, ne sera pas le Rien mais arrivera de son lointain temporel constitué de ce que l’on appellerait : un sens à la vie.
